mardi 3 juillet 2007

Journal de Maré du 16 oct au 26 novembre 2006

La Roche, le 27/11/06
NOËL Pierre-Jean et Anne-Violaine
Collège de La Roche – Ile de Maré
98 878 Tadine cedex
Nouvelle Calédonie.

Tél : 00 687 45 08 35 (ajouter 10h à l’heure métro)
Mail : pjnoel@tiscali.fr



Chères toutes et chers tous,

Le temps passe vite. Cela fait déjà plus d’un mois que notre récit s’est interrompu au 16 octobre dernier. La météo n’est pas conforme aux années précédentes (là aussi il n’y a plus de saison !) d’après les anciens. En effet, l’été se fait attendre. Le vent est souvent fort et le soleil pas toujours au rendez-vous. Normalement, dès septembre, le réchauffement se fait sentir, et le vent s’affaiblit. Nous sommes le 19 novembre et la température est passé de 24 à 27° en journée et de 14 à 17-20° en soirée depuis le dernier mois. Le soleil se fait de plus en plus téméraire ! Le vent devient très agréable, cependant il a tendance à trop s’atténuer… Ah ! rien de tel que d’échanger des futilités météorologiques pour entamer une causerie ! Ca nous rappelle la métropole !
Lundi 16 octobre, après avoir scruté les petites annonces des journaux gratuits de Nouméa depuis plusieurs semaines, nous repérons une télévision en vente. Pour tout vous dire, P.J avait pratiquement conclu une affaire 2 semaines plus tôt en 2 temps 3 mouvements : une Philips de 82 cm à 50 000 fr CFP. Mais après réflexion, Anne-Violaine revient sur notre décision commune jugeant la somme trop importante. Vexé, P.J la laisse rappeler le particulier avec qui il a « topé » en fumant du chapeau. Purgeant son amertume, P.J décide de confier le dossier T.V à A.V. C’est ainsi qu’après 2 semaines d’absence d’annonces dans les mêmes journaux propices aux ruminations de son tendre époux, A.V est soulagée de trouver à nouveau quelques annonces. Contact est pris avec un particulier qui paraîtra, au fil torsadé de nos coups de téléphone, quelque peu agité-du-panier-percé-surmené-inquiet-juré-craché-demain-à-l’avion. Si si, tout ça en même temps. Quand A.V lui demande combien elle mesure, il répond : « oh ! chais pas moi, c’est un gros truc ! ». Quand il apprend que nous habitons Maré, son esprit s’enflamme : mais comment transporter cette TV jusqu’à Maré !!! On lui répond qu’il n’y a rien de plus banal pour les habitants des îles : il suffit de la déposer au fret maritime ou aérien. « Ah non ! je ne prendrai pas le risque de laisser ma TV au fret ! Tenez, je pourrais venir avec ma copine un week-end pour vous l’apporter ! » - ce qui n’empêcherait pas la TV d’aller dans la soute à bagages comme le fret ! Un peu décontenancée par l’incohérence des propos, A.V, étouffée par sa politesse, n’osa pas remettre l’agité du bocal au fait des réalités. Une fois raccroché, P.J, telle une hyène, ne dit rien mais rit sous cape, se plaçant en observateur sadique se fourrant jusqu’aux oreilles et le groin de délicieux dialogues de sourds et quiproquos jubilatoires… Non, ne le jugez pas… Il en répondra à l’heure du jugement dernier. D’ailleurs, qui d’entre-vous n’a pas comme lui un jour savouré sa vengeance comme un bas instinct exquis ?
Dans la nuit du lundi au mardi, notre chauffe-eau solaire pète une durite. La flotte s’écoule sur la tôle de notre toit dans un vacarme sourd. Nous sommes obligés de couper l’eau à la vanne générale de la maison, nous contraignant à la rouvrir pour faire notre vaisselle et notre douche à l’eau froide. Aloha s’en sort mieux car une marmite d’eau chaude amende avantageusement son bain. D’ailleurs, elle manifeste une joie de moins en moins contenue lorsqu’elle prend les eaux : reprenant les pas de la bourrée normande qui fait taper de la galoche, elle mène la danse allongée dans son bain, en de joyeuses gerbes d’eau. Ca nous oblige à étaler des serpillières avant tout bain. P.J contacte le plombier afin de réparer au plus tôt le chauffe-eau. Il ne se déplacera que 3 semaines plus tard…
Jeudi 19 octobre, la louloute dort pour la première fois la nuit dans sa chambre. Son papa et sa maman, la larme à l’œil, agitent leur mouchoir au pied de la chambre saluant le petit mousse dans son navire trop grand qui l’emporte pour une traversée en solitaire. N’écoutant que son devoir de père, P.J invite sur son épaule son épouse au menton tremblant à quitter le quai qui les enracine.
Mercredi 18 octobre, nous nous rendons au centre culturel de La Roche pour y écouter une conférence sur les plantes locales au vertus médicinales. Dit comme ça, ça fait sérieux ! Malheureusement, le centre culturel ressemble à nos coquillages : une belle carapace mais rien à l’intérieur ou seulement le bruit de la mer lorsqu’on le porte à l’oreille… Ainsi, dans ce beau silence une conférence est un événement. En plus le thème est intéressant ! Un ingénieur mélanésien, entouré des Anciens, mémoires des savoirs ancestraux, forment la table d’honneur. Leur projet est d’entreprendre un livre des plantes recensant tous les savoirs des Anciens. A la fin de l’intervention, la parole est donnée à l’audience pour d’éventuelles questions. L’auditoire est composé d’européens et de mélanésiens (cela aura son importance). Après des questions sur les dangers qu’un tel livre soit récupéré par des entreprises pharmaceutiques peu scrupuleuses, la question du brevetage du vivant est soulevé comme un danger pour l’utilisation de tous de certaines molécules endémiquse à l’île. La question suivante est partagée par moi et un autre européen touriste : la Science confirme-t-elle le savoir des Anciens ? puisque curieusement il n’en a pas été question lors de l’exposé. Je comptais sur l’ingénieur mélanésien pour nous répondre. Quelle ne fut pas ma surprise de voir qu’il noyait complètement le poisson ! Il faut alors que nous reformulions plusieurs fois notre question pour qu’il s’approche à reculons d’un semblant de réponse. Mais parallèlement à nos reformulations de la même question, il reformule la même réponse à l’instar de Mr Jourdain de Molière au sujet des yeux de sa belle Marquise… Sa réponse résumée est la suivante : il n’y a pas besoin de mettre le savoir des Anciens à l’épreuve de la science car l’expérience de ces plantes s’est faite sur des générations depuis la nuit des temps. Le touriste n’en démord pas, et cela devient gênant. Pour moi, au final, j’accepte cet argument qui est celui d’une autre civilisation et qui quelque part est recevable. Je suis même assez satisfait de pouvoir soupeser les 2 conceptions en acceptant la force et la faiblesse de chacune. Nous avons appris plus tard que s’il noyait le poisson avec tant d’application, c’est que par respect, il est complètement impensable pour un kanak de mettre en question le savoirs des Anciens, et encore moins devant eux. Après cette conférence, un des Anciens passe en revue de vraies feuilles et leurs vertus étalées sur une longue table. Le troupeau de touristes rapplique, et nous aussi. Mais encore une fois, alors que l’Ancien faisait l’effort de dévoiler ses secrets, il s’est heurté au scepticisme amusé de la poule qui faisait l’opinion dans le troupeau de touristes tandis que son mari filmait en rigolant. Nous avons eu très honte. Le Vieux est resté d’un calme olympien qui nous a impressionné. Sa patience infinie était belle. Nous avons vu où se situait la sagesse.
Vendredi 20 octobre, Aloha semble découvrir tout à coup son chien ! Alors qu’elle lui opposait jusqu’ici une froide indifférence, elle émet dorénavant de longs cris sur-aigus en l’apercevant. En échange, nous cédons de temps en temps aux transports de Toffee qui lui lèche les mains, puis les oreilles et enfin le visage ! Elle est aussi ravie que ses parents écœurés. Toffee est d’une douceur touchante avec elle ! Cela va même plus loin car il sait la faire rire. Lorsqu’on l’autorise à approcher Aloha, il donne des petits coups de truffe sur son ventre qui la font éclater de rire. La séance se termine par un débarbouillage au gant de toilette du Lapin. Il est fréquent que Toffee vienne s’allonger au pied de son lit, ou à la porte de sa chambre ou encore qu’il vienne nous voir lorsque la petite pleure. Nous le félicitons à chaque fois.
Appel incohérent pour la TV : énième promesse d’envoi. A.V lui réclame son adresse pour envoyer le chèque ( !), mais pour la 3e fois, il refuse que nous le payions pour l’instant. P.J observe et savoure.
A.V va au marché. Elle nous en rapporte 2 nouveaux fruits : la pomme-canelle (chair granuleuse sucrée saveur douçâtre avec une petite pointe acidulée) que nous aimons beaucoup, et le corossol (chair douce et fibreuse, sucrée, au parfum de chamalo).
La journée se termine au Collège où A.V vient me rejoindre car il y a une représentation de théâtre en plein air. La pièce brasse des légendes locales, écorne quelques travers locaux (boissons, chiens maltraités, machisme, …), et fait rire les gosses autant que tous les adultes.
Samedi 21 octobre, nous nous rendons à notre chère plage de Pédhé. Comme un ballot, P.J découvre qu’il a oublié son maillot de bain. Qu’importe, il se baignera en caleçon. Toutefois, la gestionnaire du Collège de Tadine dont il a également la charge l’aperçoit… P.J se fait un devoir de sortir de l’eau pour aller la saluer puisqu’elle vient vers lui. Le seul souci, c’est que le caleçon blanc de P.J est devenu quelque peu transparent à la faveur de sa baignade. P.J en prend tout à coup conscience, mais il est déjà trop tard… tourner le dos créerait un incident diplomatique…et puis, à quoi bon se réfugier dans les eaux transparentes du Pacifique en faisant ensuite un incompréhensible coucou de loin : il faut maintenant boire la coupe jusqu’à la lie. Avec des yeux implorants de poulpe, P.J a fixé son interlocutrice plongeant son regard dans le sien pour ne pas que ses yeux n’errent dans quelque impudique transparence. Comme un automate aux yeux fixes, en maudissant intérieurement les largesses de Dame Nature, P.J a essayé en vain d’écourter plusieurs fois l’échange inconfortable. La bougresse n’avait donc aucune pitié ?! Pour achever le tout, la maman de sa collègue s’est jointe à eux accentuant le malaise de P.J et le fard de ses joues. A bien y réfléchir, la froideur de l’eau fut le seul oasis de bienséance dans cette longue traversée du désert.
Mardi 24 octobre, Aloha est de retour au Dispensaire pour une pesée, une mesure et 2 vaccins. Elle mesure alors à 4 mois et ½ 63cm et pèse 7 kg. La petite flotte gentiment sur la crête supérieure des courbes moyennes de son carnet de santé que ses parents complètent avec zèle. La sage-femme apprend à A.V que maintenant Aloha reconnaît son papa, sa maman et son prénom. Ce qui est vrai, à cette nuance près qu’elle réagit plus au dernier sobriquet à la mode (« Le Lapin ») qu’à son prénom. Par contre, nous avons observé que son prénom susurré à son oreille apaise ses pleurs. Nous sommes porteurs du mal de nos 2 familles que d’affubler nos rejetons de surnoms divers…
Le mardi s’est aussi dorénavant le jour du Tennis ! Par un miracle inexplicable, comme tous les miracles, il existe des courts de tennis à Maré. Il y a même un prof, qui est de surcroît très sympathique. Tel Ali-Baba dans la grotte au trésors, Toffee hallucine complètement devant autant de balles de tennis et passe une heure et demie à les sucer passant avec gourmandise de l’une à l’autre, alourdissant par là-même nos coups droits liftés-mouillés. Autour du terrain, un âne blanc famélique au bout de sa longe mâchonne quelque herbe imaginaire…
Mercredi 25 octobre, le fax du Collège crachote un message d’alerte pré-cyclonique émanant du Haut-Commissariat. Dans la soirée, alors que nous apprenons que la menace s’écarte, Tata Odile nous apprend qu’en métropole il y a eu un coup de vent assez sérieux.
Appel infructueux pour la TV : Mr X doit trouver du carton pour envelopper la TV, et doit ensuite trouver du temps pour le faire car il part pour une semaine en voyage d’affaires en Nouvelle-Zélande. P.J se repaît…
Nous ne savons pourquoi la nuit a été si mauvaise. Nous n’arrivons pas à dormir. Puis, les moustiques ont repris leurs vols en piqué. P.J enclenche aussitôt la défense anti-aérienne grâce à son grille-insectes industriel à néons bleus. Bientôt, nous nous réjouissons du bruit d’éclatement des Messerschmitt sur les grilles astucieusement parcourues de 10 000 volts de notre « Tue-tout » dirait Papy. Le seul inconvénient, c’est qu’à chaque éclatement, nous sursautons, nous tirant de notre sommeil. En plus Aloha se réveillera 3 fois dans la nuit. En bouquet final, dans une étincelle géante, le grille-insecte éclate ! La chambre se remplit d’une odeur de plastique cramé épouvantable. Nous ne pouvons faire autrement que d’ouvrir nos fenêtres pour aérer, renouvelant non seulement l’air mais également notre invitation à l’égard de nos chers moustiques. Pourquoi tout donne parfois l’impression de concentrer le mauvais sort à son endroit ?
Vendredi 27 octobre, A.V avec Le Lapin me rejoint au Collège à 17h car le chef cuistot du restaurant d’application du collège a essayé des nouvelles recettes de blancs-manger. Une joyeuse troupe de 7-8 personnes bourdonne autour de ramequins de blancs-mangers aux parfums tantôt rehaussés de citron, de menthe, de fleurs d’oranger, de jus de coco poivré.
Le soir, P.J est sollicité par le chasseur d’orques pour une soirée ordinateur. P.J accepte mais avec un secret dessein, amener le bougre à évoluer en lui proposant de jouer à « Civilisation IV ». Pari gagné : les 2 gosses abandonnent leurs machines à 3h30 du matin.
Samedi 28 octobre, nous allons la fleur au fusil à la plage de Pédhé. Nous tombons sur une barrière solidement cadenassée ! L’étonnement est total, car la plage de Pédhé est la seule plage à l’accès totalement libre coutumièrement parlant, avec celle de Cengeité. Nous apprendrons par la suite que la plage n’est pas fermée pour déplaire aux blancs, mais pour cause de fâcherie clanique. En effet, des personnes du clan de la terre sont venues à plusieurs reprises pêcher clandestinement sur une plage qui, forcément, appartient aux clans de la mer. De plus, les propriétaires coutumiers souhaitent protester contre les saoulards qui viennent sur cette même plage à la tombée de la nuit épancher leur vice. Et de fait, nous avons été surpris par un groupe passablement éméché. C’est curieux comme les gens ivres vous parlent à cinq centimètres du visage pour vous dire qu’ils ne sont pas saouls alors que rien que par l’haleine, vous partagez leur ivresse ! Bref, le plus attentionné souhaitait me guider dans ma marche arrière : une vraie éolienne ! Nous en avons appris un peu plus quelques temps après… En fait, la personne qui venait pêcher sans autorisation, c’était… Marco l’Embrouille ! Vous vous souvenez des superbes langoustes que nous avions achetées à cette fripouille ? (cf courrier précédent). A notre grande honte, nous avions écoulé sans le savoir la marchandise frauduleuse de ce sinistre personnage… Le recel est parfois délicieux… D’ailleurs, le gredin que j’ai appelé Marco l’Embrouille sans connaître son pedigree fait honneur à son surnom, repris depuis par l’équipe de Direction de Collège car il est le suspect n°1 dans le double caillassage de la baie vitrée du bureau de la Conseillère Principale d’Education. En effet, celle-ci a eu l’audace de signaler que le 8e enfant adopté par ce monsieur pour les allocations est réduit à l’esclavage au service de Monsieur Marc, et ce, au détriment de l’école. Alors normal, Marco a vu rouge, mets-toi à sa place ! Nous avons porté plainte. La Maréchaussée s’est déplacée en traînant des pieds. Le gradé est un sinistre con prétentieux, distant et mal poli que l’accent marseillais n’arrive pas à illuminer. Les petits jeunes sont sympas. Nous leur avons signalé au passage que le Marco circulait sans permis, mais ça n’a pas l’air de les intéresser. Le même Marco était logé gratuitement dans une villa de la Province des Iles voisine de la nôtre avant notre arrivée, mais il s’est fait mettre dehors pour une raison sinistre. Alors du coup, il a quitté les lieux, mais en emportant les meubles !Mais seulement voilà, Marco et moi ont est des potes depuis qu’on s’est tapé dans le dos. Alors vaille que vaille, c’est dans les embrouilles que l’on reconnaît les vrais frères : Marco et moi c’est cul et chemise aussi vrai qu’on guinche à Montmartre.
Mercredi 1er novembre, c’est jour férié pour le jour des morts. Quelqu’un frappe à la porte à 7h. Tant pis pour la grasse matinée jusqu’à 8h… Là encore, on nous propose des langoustes, mais ce n’est pas Marco. Je tope quand même !
Nous avons planifié la promenade des 5 plages : un chemin de randonnée qui longe le rivage entre plage et végétation sur 15 kilomètres. Nous nous arrêtons au 2/3 de la ballade pour souffler : chacun est chargé comme un baudet, A.V avec la petite dans le porte-lapin avec le sac à langer sur le dos, et P.J avec le gros sac-à-dos. Seuls depuis des kilomètres, nous nous sentons au bout du monde sur une île déserte. C’est ici que nous voulons manger. A ce même instant de sentiment d’aventure solitaire, apparaît un couple de japonais. La scène semble complètement irréaliste. Des japonais comme à la Tour Eiffel au bout de notre chemin désert sur une île perdue comme une insulte à notre aventure… C’est révoltant ! Ils volent notre bonheur ! Néanmoins, cela ne nous coupe pas l’appétit que nous avons féroce : les deux innocents ont bien fait de déguerpir. Après le repas, l’estomac lourd, nous décidons de rester où nous sommes sans aller plus loin. L’héroïsme, c’est aussi de savoir tenir une position… Dans l’après-midi, alors que plus personne ne vient troubler notre quiétude, un enfant de 10 ans apparaît comme sorti de nulle part. Il est blond, bronzé, les cheveux longs, et nous adresse un sourire silencieux. Il cherche des coquillages. Médusés, il repart sans que nous puissions décrocher un mot ! Nous nous baignons une bonne partie de l’après-midi. P.J s’est rendu compte trop tard qu’il a cuit comme ses langoustes. Nous plions bagages. On finit par un petit Perrier citron au Nengoné (Hôtel-Bar de l’île qui se situe au point de départ de notre ballade). Sur la route du retour, notre voiture tombe nez à nez avec une chouette ! Debout, sur la route, face à la voiture, il faut que je freine prestement car, elle, ne cille pas. Elle avance la tête vers nous comme pour corriger une vilaine myopie. Je descends de voiture pour m’approcher. A un mètre d’elle, elle finit par s’envoler un peu plus loin, sur la route. Re-belote. Nous filons ensuite vers l’aérodrome, puisque Mr X a promis qu’il mettrait la TV à l’avion. Pas de TV. A.V téléphone, P.J est aux aguets. « Ah ! je suis désolé, je sais je devais la mettre à l’avion, mais j’ai dû fêter Halloween avec mes enfants… Promis, je la mets demain ! » – « bon d’accord ! » répond une voix douce qui se voulait ferme… P.J ne rit plus. Il perd ses dents, ses cheveux, ses ongles dans le canapé. On essaie de se reprendre devant nos langoustes, une sauce rouille d’A.V décidément très réussie et un petit blanc : un Bordeaux blanc sec acheté le prix d’un pouilly. En métropole, je l’aurais trouvé aussi bon qu’un mauvais muscadet, mais ce soir, c’est un nectar…
Jeudi 2 novembre, pas de TV à l’avion. A.V, dans un accès de colère, souhaite lui demander s’il veut bien accepter le fait que l’on puisse envisager que nous recherchions éventuellement d’autres annonces… Elle compose le n° de Mr X remontée à bloc, chauffée à blanc par son mari qui n’en peut plus de son statut d’observateur-mangeur-de-vengeance-froide, et qui lui souffle les mots les plus tranchants afin de couper la tête à cette fripouille. « Allo ? Ah ! Mme Noël… je n’ai pas pu mettre la TV à l’avion car les gens du fret ont refusé de me la prendre car elle n’est pas dans son emballage d’origine… ». P.J, écarlate, commence à faire de grands gestes. Quelques instants après, il entend dire A.V « c’est parfait ». Il a promis qu’il mettrait la TV demain au fret maritime sur le Havannah qui arrive mardi prochain à Maré. Ca fume à La Roche.
Vendredi soir 3 novembre, nous mangeons chez mon prof de tennis et sa femme. Lui est kanak mais n’arrive pas à s’habituer à Maré : trop rural, trop coutumier, trop rétrograde. Nous essayons de lui remonter le moral en lui montrant tout ce qui ne va pas si mal…
Pour P.J, les vacances commencent pour une semaine.
Samedi 4 novembre, nous nous faisons une fête d’aller au Marché de Ménaku, une tribu près de La Roche. Le marché est annoncé sur le panneau d’affichage de l’aérodrome depuis 2 semaines comme un marché au poisson. En fait, sur tout le marché, il n’y a qu’une glacière de poissons congelés. Nous achetons des légumes, des fruits, et un oranger à planter ainsi qu’une épine du Christ. Un amas de roussettes bourdonnantes de mouches nous repousse un peu… autant qu’un étal de viande de cochon sauvage un peu plus loin… La vraie star du marché, ce fut Toffee, une fois de plus, et Aloha ! A eux deux, ils déplacent des foules ! Restant sur notre faim, nous allons à la coopérative des pêcheurs, et nous y trouvons de superbes darnes ou filets de Mahi-mahi, de Vivanneaux, et de Thazar. Les bestioles entières mesurent plus d’un mètre de long. Tout est à 800 fr CFP le kilo (environ 40 ff).
Dimanche 5 novembre, l’église de La Roche est pleine : le challenge sportif Michelet rassemble des jeunes de toute la Nouvelle Calédonie pour une semaine d’activités sportives. Nous restons sur le parvis assis dans l’herbe, à l’ombre d’un immense Flamboyant en fleurs, entre les cantiques et les enfants qui jouent. Le soir, nous mangeons chez notre voisine Bernadette, la vilaine CPE qui fait son boulot ! Elle a également invité un prof de sport du collège qui a fait le tour du monde toute sa vie. On a voyagé pendant tout le repas.
Lundi 6 novembre, c’est la première matinée de vacances de P.J, mais il doit se lever à 6h30 pour aller chercher un artisan de Nouméa qui doit changer la baie vitrée de la CPE et dresser un devis pour des travaux de peinture, de pose de faux-plafond et de carrelage au Collège. Ils se dirigent tout deux vers la vitre. Il découvre que la vitre cassée et remplacée de la semaine dernière, et dont il doit revoir la fixation a été brisée à nouveau pendant la nuit ! Appel de la gendarmerie. Le gradé suivi de son souffre douleur est toujours aussi droit dans ses bottes mais tordu dans sa tête, c’est dommage, c’est avec sa tête qu’on réfléchit… Alors que je propose à l’artisan de manger à la maison, il me propose de manger au Nengoné. Ainsi, A.V, Aloha et moi avons pris notre repas au Nengoné avec ce vieux caldoche qui connaît le pays comme sa poche. A propos de poche, il a réglé l’addition. Corruption de fonctionnaire ?
Mardi 7 novembre, pas question de grasse matinée non plus : c’est le grand jour de vérité pour la TV. Lever à 6h. Il s’agit d’être prêt au port si l’on ne veut pas se faire voler notre hypothétique TV. Notre petit cœur serré, nous arrivons à 7h30 au port. Pas de bateau. Notre angoisse monte. Le bateau n’est pas arrivé ou est-il déjà reparti ? S’il est déjà reparti, on peut dire adieu à notre télé ! Le Havannah n’est pas parti pour des raisons techniques : il arrivera demain. On est presque soulagé qu’il ne soit pas là ! De plus estimons-nous heureux que ce ne soit pas une grève…
Dans la journée, j’attrape un des porte-paroles du Grand-Chef afin de lui faire part de notre désir d’effectuer la coutume.
Mercredi 8 novembre, il est 7h du matin est nous sommes sur la route de Tadine, le port de Maré. Personne ne pipe mot dans la voiture. Pas même le petite qui n’a pas fini sa nuit. Le bateau est là ! Les chariots élévateurs vrombissent, les conteneurs s’éparpillent, la foule se presse. A 8h, les containers ne sont toujours pas ouverts. A 8h30, on commence à s’inquiéter. On apprend que les employés de la Compagnie Maritime des Iles attendent « le manifeste ». Le mot est repris dans toutes les bouches sur le port et prend une tournure sacrée et mystérieuse… Ce que la CMI appelle « manifeste », c’est le papier où sont listés tous les colis avec leurs clients. On comprend mieux. Cependant, habituellement, on entend pas parler du manifeste et les conteneurs sont ouvert entre 7 et 7h30. A 9h, le manifeste se manifeste. Et comme les rouleaux précieux de la Nouvelle Alliance nous ont ouverts les cieux, le Manifeste nous a ouvert tout grand les conteneurs. Les femmes s’écartent, les hommes s’agglutinent pour décharger les marchandises de chaque conteneur. Nous naviguons de conteneur en conteneur afin de lorgner sur notre hypothétique TV. Mille fois, nous croyons l’apercevoir, mille fois le fiancé a cru apercevoir sa fiancée « emportée par la foule qui nous traîne, nous entraîne, nous éloigne loin de l’autre… » . Mais le colis se transformait en caisson de canettes, ou en TV inquiétante de 36 cm (en effet, nous étions avertis avec précision que c’était « un gros truc »). Enfin, sous des sacs de sucre et de farine, nous avons aperçu un gros truc. Comme c’était un gros truc, il a été mis en-dessous des autres colis. Et de fait, l’emballage n’est pas du tout d’origine : morceaux de cartons et de polystyrène maintenus avec de la ficelle, et rien sur les côtés ! Il faut 3 hommes pour la soulever avec peine et la glisser dans la voiture. Nous n’osons pas être contents. Nous nous enfuyons comme des fous, emportant notre butin. Nous avons bien fait de ne pas prendre Toffee : il aurait fallu faire 2 voyages. Nous savons que si l’embarquement de la TV dans la voiture n’a pas été aisé à 3, le débarquement à la maison le sera encore moins… Je gare la voiture sur la pelouse de devant en face de la baie vitrée de notre salon. Première angoisse : la baie ne s’ouvre que par moitié… La largeur de cette demi-baie est-elle assez large pour laisser passer le télé ??? Rien n’est moins sûr. Si la TV ne passe pas la baie, elle ne peut rentrer dans la maison ! Nous commençons à rire nerveusement : oui, dans ces cas-là, les nerfs lâchent. Après mesure, la baie nous laisse 2 cm de marge ! Pourquoi s’inquiéter ? Ensuite, reste à trouver une solution pour le poids. Après quelques temps de réflexion qui sentent le phosphore cramé, P.J propose la technique égyptienne revisitée. Un chemin de chaises remplacera les rondins sur lesquels ils poussaient les blocs de pierre constitutives de leur colossale pyramide ! Le torse gonflé par la sensation prégnante de revivre les plus grandes heures de l’humanité, centimètre par centimètre nous avons bâti notre propre pyramide, rêve prométhéen, nouvelle tour de Babel : NOTRE TELEVISION !!! La journée se termine par une coupure d’électricité. CQFD. Encore une fois, je vous jure que c’est vrai ! Mais nous avons eu le temps de la tester avant : elle fonctionne à merveille. C’est une Sony trinitron truSurround with SRS de 82 cm à 50 000 fr CFP (ce qui est complètement différent d’une Philips 82 cm à 50 000 fr jugée trop chère par d’aucune un mois plus tôt !). Bref, un monstre cathodique qui justifie la confiance faite à un fou par une femme nulle en affaire et trop polie. C’est la morale de cette histoire.
Jeudi 9 novembre, après avoir loupé notre rendez-vous avec nos amis du Nord (« Les Naert ») pour cause de « Manifeste tardif », nous nous levons encore une fois à 6h pour essayer une visio-conférence sur internet. Nous n’arrivons pas à nous voir mais nous nous entendons grâce à Skype, et c’est gratuit !
La coutume prévue à 15h est reportée, parole de porte-parole, il faut refixer un autre rendez-vous pour le dimanche à 8h. Mais on doit trouver une autre personne pour se faire accompagner car c’est le porte –parole qui n’est plus disponible. Or, pour respecter l’esprit du chemin coutumier, il faut se faire accompagner par des petits-chefs et ne jamais s’adresser directement au Grand-Chef. Sur ses conseils, je demande à la fille de l’autre porte-parole si elle veut bien nous accompagner. Elle accepte, mais il faudra que je la rappelle le samedi soir pour le lui rappeler.
Vendredi 10 novembre, nouvelle tentative de visio-conférence : ça marche !!! On se voit sur yahoo messenger ou MSN, et on s’entend sur Skype. On discute pendant plus d’une heure gratuitement. On passe le message à Ghislaine. Ségolène lui achète une web-cam qui permettra bientôt à ceux qui le souhaitent de venir nous voir à la Guicherie.
P.J souhaite garder un œil sur les agents de permanences et en surprend une versant le contenu du jerrican d’essence de la tondeuse dans le réservoir de sa voiture… Explications embarrassées…
Le reste de la journée se passe à la plage.
Le soir, appel de Tantine. Ca tombe bien, nous devions l’appeler pour ses 90 ans !
La fille du 2e porte-parole vient me voir pour me dire que c’est son père qui nous accompagnera et qui viendra nous chercher à domicile à 7h30.
Samedi 11 novembre, le temps est doux (26°), mais gris et pluvieux. C’est le temps propice pour rester à la maison. Tournage du film de P.J sur les super-héros grâce aux serviettes du Lapin qui lui servent de cape.
Dimanche 12 novembre, lever à 6h30 pour la coutume… Ces vacances, c’est pas des vacances ! Arrachage de Louloute de son lit, têtée pour les uns, bols de lait pour les autres. On a attendu, attenduuu, attenduuuuu. Bref, lapin. Nous en profitons pour préparer le repas de ce midi, car nous recevons ! Au menu, carottes râpées à la marmelade d’orange et à la feuille de menthe, poulet à la jamaïcaine (non, non, ce n’est pas un poulet fumé au cannabis !), et gâteau au chocolat avec nappage de crème anglaise… Coup de fil du Filtroquet qui en font autant 22 000 km plus loin avec Yvonnick, Magali et leur petite famille. En l’absence de P.J, ils ont bu du bon vin et repris 2 fois de la salade dont l’ail transpire du téléphone. Aucune décence…
Lundi 13 novembre, je vais voir la fille du 2e porte-parole qui travaille à l’Internat. Elle me dit que son Père attendait que je la rappelle le samedi soir pour confirmation… Ce qu’elle présente comme une faute de ma part se transforme peu à peu comme une erreur de sa part… Elle va demander à son Père un nouveau rendez-vous.
Mardi 14 novembre, fin de grève à RFO. La nouvelle vous paraît peut-être anodine, mais ici, c’est un événement : cela faisait 8 mois de grève dont on avait oublié les raisons initiales. C’est vraiment drôle, car la dame qui présente le Journal télévisé semble réellement ressortir d’un placard à balais : cheveux en pétard, yeux cernés et mi-clos, sourire figé, élocution balbutiante, collier de perles démodé, fringues froissées.

Mercredi 15 novembre, temps splendide, plage jusqu’au soleil couchant. La Louloute gagne en motricité. Elle suce aisément son pouce … mais le pouce de son pied ! Elle se retourne toute seule dans son lit. Elle tient assise quelques instants pour jouer, la bouche ouverte et beaucoup de concentration dans les yeux. Elle a une poigne de fer ! Il faut faire attention aux cheveux, aux lunettes, aux bols, aux assiettes ! Un nouveau pleur a fait son apparition également : celui de la coquine qui ne veut pas aller se coucher alors qu ‘elle est fatiguée : le cycle éternel de la vie !
Jeudi 16 novembre, premier entraînement de Tennis d’AV. Elle n’a pas du tout à rougir de son statut de débutante à côté de celles qui sont déjà initiées. P.J fait des tours de piste avec Aloha dans le porte-lapin, et Toffee qui suit, jusqu’à un certain moment…
Vendredi 17 novembre, après avoir fièrement guerroyé avec son collègue, P.J connaît son premier souci intestinal, qui va se prolonger jusqu’au mardi suivant…
Samedi 18 novembre, plage à Cengeité. P.J et Toffee jouent dans l’eau avec une meute de gamins à la fois fascinés et effrayés. P.J essaie de grimper comme eux sur un rocher pour plonger, mais impossible de supporter les aspérités de la roche, il a les pieds trop tendres. Il ne faut pas chercher plus loin la tendresse des hommes… Le soir, nous essayons le crabe de cocotier, qui est en fait de la famille des Bernard-Lhermitte.
Dimanche 19 novembre, nous sommes tirés de notre sommeil par un toc-toc à la porte… Ca devient lassant. A.V me dit de ne pas bouger, que c’est sûrement les pêcheurs alors que nous sommes encore en digestion de notre crabe… Mais vu l’insistance du toc-toc, P.J finit par aller voir. Bien lui en a pris, puisque c’est le 1er porte-parole du Grand-Chef ! Il nous averti que le Grand-Chef nous attend à 9h ce matin et qu’il viendra nous chercher. Comme une visio-conférence était programmée à 8h avec François-Xavier et Ségolène et qu’il faut une bonne demi-heure pour chauffer nos machines et coordonner les programmes, les 9h sont vite arrivées… Même que le porte-parole est venu 2 fois nous chercher chez nous alors que nous étions au Collège. Nous n’avons pas vu passer sa Logan flambant neuve. Nous étions un peu gêné, mais disons que c’est de bonne guerre… Nous voilà arrivés à la chefferie au pied du grand Rocher qui a donné son nom à la tribu. Il nous attend sur sa terrasse avec son épouse. Le porte-parole nous introduit. Nous ne savons pas s’il faut lui serrer la main ou pas. Après quelques mots de bonjour, je lance le grand jeu de la coutume : je sors un paréo plié en quatre, avec un paquet de cigarettes, et deux billets de 1000 fr. Je les dépose sur la table et je commence mon petit discours calibré : « C’est un honneur pour nous de vous présenter aujourd’hui ce modeste manou, ce paquet de cigarettes et cette somme d’argent symbolique afin de témoigner de notre désir de respecter votre chefferie et la tradition. En faisant ce geste, nous vous demandons d’être placé sous votre autorité afin de pouvoir aller et venir sur la terre de vos ancêtres. ». Un long silence approbateur vient succéder à mon laïus. Visiblement, les mots ont sonné juste aux oreilles du Grand-Chef. Il nous adresse en retour un court discours dans lequel il nous place sous sa protection, et que par là-même nous devenons ses sujets. Il nous offre également un manou et un billet de 1000 fr. A son regard, on sent qu’il est un peu gêné de ne nous retourner qu’un billet, mais il chasse son léger trouble en nous proposant un café. Nous discutons pendant près d’une heure de son fils qui est à Draguignan comme militaire, du cadet qui n’a pu faire que 3 mois avant de se faire virer de la même armée, de la Roche qui a servi de poste avancé pendant la seconde guerre mondiale pour surveiller la mer, et… de sa fille qui souhaite garder Toffee pendant les grandes vacances ! Heureusement, nous avions un alibi pour décliner l’offre : Toffee a une « chambre » de réservée dans un hôtel pour chiens à Nouméa… avec climatisation et piscine… En fait, nous avons mis une annonce en salle des profs au cas où l’un d’eux serait resté sur Maré. Mais si quelques uns aurait bien aimé, beaucoup sont en fin de contrat, ou souhaitent voyager : ce qui est incompatible avec le dog-sitting ! Confier Toffee à des maréens est inenvisageable. Nous n’avons aucune garantie que le chien confié à quelqu’un ne sera pas confié en 2e main à un cousin ou neveu et ainsi de suite, diluant ainsi peu à peu la responsabilité de chacun. Ils n’ont pas la culture du chien de compagnie. Ici, le chien est presque un chacal qui attire dans le meilleur des cas l’indifférence. Alors bien sûr ils trouvent Toffee très beau, mais il y a une différence à s’en occuper quotidiennement, avec son médicament, ses croquettes (chose qu’ils méconnaissent et ne sauraient pas doser). Alors, même la fille du Grand-Chef, nous savons qu’elle aussi n’est pas fiable pour ce genre de tâche.
En quittant la chefferie, nous allons à l’église de La Roche. La messe est à 10h, et les enfants se rangent en file indienne devant les portes de l’église. Ils se rangent très précisément : par taille (plus petit devant, et c’est vrai qu’il n’est pas bien haut !), et par sexe (les filles à droite, les garçons à gauche) et se placent de la même manière dans les travées. Aloha aime bien regarder les enfants qui suçotent le dossier de leur banc en la regardant. Nous essayons juste de la contenir pour limiter le contact avec ce dossier qui en a vu des horreurs qui se sédimentent en un coussin confortable de microbes.
Lundi 20 novembre, coup de tonnerre à l’OPT de La Roche : l’affiche pour une réunion des témoins de Jéhovah jusqu’ici apposée sur la porte d’entrée (impensable en métropole !) a été remplacée par une autre annonce. En fait, il s’agit d’un appel à volontaire dans la population pour nettoyer les cabines téléphoniques de l’île… C’est beaucoup moins charmant que l’affiche des Témoins de Jéhovah où les gens sont souriants, caressent des lions, parlent à un cygne, mangent des fruits, boivent du lait ; les arbres sont en fleurs, le mouton s’abreuve à côté d’un tigre, un enfant parle à un panda, … Rien que d’aller à l’OPT, nous nous sentions mieux ! Nous étions plongé dans une douce torpeur où tout est harmonie. Qui peut se targuer de ce même état de bonheur inouï en allant à La Poste dans vos villes de solitude, hein ? Mécréants ! Bref, depuis que l’affiche n’est plus là, je trouve que les légumes ont moins de saveur… et la file d’attente de l’OPT aussi par la même occasion…

Mardi 21 novembre, Aloha est mesurée et pesée au Dispensaire : 7,2 Kg pour 65 cm à 5 mois et ½, les courbes du carnet de santé sont immédiatement mise à jour. Tout est normal.
Mercredi 22 novembre, Aloha trempe ses pieds pour la première fois dans la mer.
Jeudi 23 novembre, A.V quitte la maison à 15h comme d’habitude pour aller à « l’épicerie » en compagnie du Lapin et de la Bête. A.V croise le Grand-Chef dans sa voiture qui lui fait un grand salut de la main et des coups de klaxon ! Comme A.V n’est pas du tout physionomiste ni observatrice, ce genre de situation est très risquée diplomatiquement. Mais comme à Maré tout le monde se fait tout le temps coucou, elle a bien négocié le cap en lui adressant un signe de la main… Ouf ! C’est d’ailleurs très drôle au début, mais plus fatiguant par la suite, il faut tout le temps faire un signe de la main à tout le monde, en voiture, c’est pareil ! Alors ça va que le trafic n’est pas trop dense, sinon on s’en sortirait pas. Nous avons d’ailleurs vu un reportage la semaine dernière sur la tournée du Général de Gaulle en Nouvelle Calédonie en 1956, et c’est vrai que du haut de sa décapotable, il était soumis aux mêmes contraintes que nous !
Alerte pré-cyclonique sur la Nouvelle Calédonie. Mais le cyclone Yani situé vers le Vanuatu ne nous envoie que des trombes d’eau : nous ne nous trouverons pas sur sa trajectoire.
Dimanche 26 novembre, nous faisons un essai de biberon, après l’avoir un peu laissé de côté. Aloha nous étonne en buvant 120 ml, première surprise, et en tenant le biberon elle-même dans ses mains, 2e surprise !
Nous retournons à Pédhé, histoire de voir si cette plage est réouverte. Nous y trouvons un monde fou ! Beaucoup de mélanésiens, un petit paquebot flambant neuf au large, et des sortes de bateau-mouches remplis d’humains à peau blanche et grasse. Je demande à un enfant ce qui se passe, il me dit que ce sont des touristes australiens. Nous n’en croyons pas nos yeux ! Maré est si recroquevillée sur elle-même qu’un déferlement de 80 australiens en croisière de luxe accueillis par des fleurs, des massifs composés à l’entrée de la plage, une arche de verdure, un « WELCOM HOME » écrit en sable blanc sur l’herbe relèvent du délire. Le maire, que nous avons vu au Nengoné affirmer qu’il ne fallait pas brader les plages de Maré (et c’est loin d’être le cas !) semble ravi en ressortant du bateau mouche bondé qui zigue-zaguait en trombe pour faire crier de plaisir ses passagers ! Le Principal du Collège de Tadine est venu avec sa fille pour voir l’inimaginable. Il me dit que cette opération risque de mal se terminer car le Grand-Chef Yéwéné n’est pas au courant, selon radio cocotier (c’est-à-dire la rumeur). Quelques temps après, c’est le pharmacien qui vient vers moi pour me demander ce qui se passe. Nous en avons profité A.V et moi pour retrouver nos tortues. En prime, nous avons eu un après coucher de soleil à la lumière jaune-rose irréaliste. Vive les australiens !
Voilà, il s’agit de la dernière lettre avant de vous revoir. Je dois dire que si pour nous ces lettres étaient une contrainte nous prenant beaucoup de temps, nous nous sommes astreints à prendre quelques notes chaque jour dans un grand cahier. Et en rassemblant nos notes, nous sommes toujours très surpris des choses, même croustillantes, que nous aurions oubliées, de la perspective des évènements, et de l’extraordinaire qui se fond dans le quotidien. Grâce à vous, nous nous sommes pliés à cette discipline, et nous en retirons une récompense précieuse. Merci.
Nous déménageons le 20 décembre dans le logement de la CPE : moins de courants d’air, vue de soleils couchants magnifiques de la terrasse, et plan de travail dans la cuisine ! Nous décollons le 27 décembre, nous passons par Sydney, Hong Kong (que nous visiterons rapidement au retour), et enfin Paris le 28 décembre à 6h00. Le temps va être compté : nous ne pourrons pas aller voir tout ceux que nous souhaitons… De plus, nous devons aller une semaine dans le Nord, et 2 semaines dans le Limousin. Le retour est prévu le 10 février à 13h à Roissy.

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