mardi 3 juillet 2007

Journal de Maré de décembre 06 à avril 2007

La Roche, le 17/04/07
Pierre-Jean et Anne-Violaine NOËL
Collège de La Roche
98 878 MARE.

Tél : 00 687 45 14 10 (rajouter 9h à l’heure métro)
Fax (du collège) : 00 687 45 40 40
Courriel : pjnoel@tiscali.fr



Chers tous,

Notre correspondance s’était interrompue fin novembre. Les vacances de Noël n’étant pas propices à la communication car on ne parle pas la bouche pleine, nous allons survoler la période décembre-avril pour ne pas rester sur votre fin.
Le mois de décembre s’est déroulé en fanfare où se sont succédés des chars plus ou moins fleuris. Le premier char est celui du Trésor Public. En vedette sur ce char fabriqué par la Trésorerie Générale : Pierre-Jean, homme orchestre, et Mr Cormier, Inspecteur du Trésor venu inspecter l’agence comptable du pauv’ lout dans un contrôle « sur pièces et sur place » , comprenant le Collège de la Roche, sa SEGPA, son Annexe de Lycée Professionnel, et le Collège de Tadine (tribu du sud de l’île). L’homme orchestre qui devait déjà frapper ses cymbales pour houspiller ses agents endormis, frapper son tambour pour donner le rythme à son secrétaire statique afin de boucler l’exercice budgétaire, faire sortir des tourterelles de son chapeau pour que les fournisseurs daignent répondre aux bons de commande, doit maintenant faire des pirouettes sur lui-même avec des feux d’artifice au derrière afin de répondre pendant 5 jours aux questions de l’Inspecteur sur la gestion plus ou moins heureuse des 5 dernières années où il n’était même pas là… L’Inspecteur était aimable, son rapport fut intraitable. Mais ce rapport ne mettait pas en cause P.J car il vient d’arriver, qui plus est, il permet à P.J d’émettre des réserves sur les gestions précédentes dans les 6 mois après sa prise de poste et d’en décliner la responsabilité pécuniaire sur ses propres deniers…mais le travail de rétablissement des comptes n’en est pas moins… pour bibi.
Le deuxième char du carnaval de décembre est consacré au Père Noël. Le 22 décembre, nous apprenons par « radio cocotier », c’est à dire la rumeur, que le Père Noël va débarquer ce soir au port de Tadine. Liesse populaire, brouhaha, pétards, odeurs de fritures et lampions. Soudain les enfants s’affolent. Une nuée court vers la digue à grands cris. Effectivement, un pick-up branlant se met en marche au bout de la digue, un Père Noël dans la benne. Le pick-up a du mal à se frayer un chemin : le service de sécurité du Père Noël est complètement dépassé ! C’est un miracle que le pick-up ne roule pas sur un pied d’enfant. Le pauvre Père Noël recolle avec peine le coton qui lui tient de barbe. Puis se tient la remise de cadeaux aux enfants (seule une dizaine d’élus !). Enfin, clôture en beauté par un feu d’artifice. A.V bouche les oreilles d’Aloha qui ouvre un four béat d’admiration, tandis que P.J en profite pour voler les frites d’A.V.
Le troisième char est très chargé puisqu’il s’agit de notre déménagement de notre maison dans celle de l’ancienne Conseillère Principale d’Education. Il s’agit de la même maison, mais avec un jardin garni, et une terrasse abritée du vent. En à peine 6 mois, nous avions reconstitué un bazar domestique assez conséquent. Le déménagement nous a donc fait suer sang et eaux, sous un soleil de plomb et un bébé aux siestes mises à profit à 200 %.
Le quatrième char est surmonté d’une grosse bête blanche en figure de proue ! Nous sommes repartis pour un marathon pour ramener Toffee à Nouméa. Déjà, bonne nouvelle, Toffee devait être abandonné en pension canine, mais au lieu de cela, il pourra siroter un Whisky au bord de la piscine de Mme Nady Dagostini, notre bienfaitrice. Il n’en demeure pas moins qu’il faut parvenir à envoyer Toffee sur Nouméa, or : Le bateau après son escale à Maré, se dirige vers Lifou, puis Ouvéa… donc impossible de laisser Toffee en cale pendant 3 jours sans manger ni boire, dans une chaleur torride ; la caisse de transport aérien de Toffee est trop grosse pour l’avion de Maré. Mais 2 nouvelles quasi-simultanées vont venir briser ce mur de l’impossible le 22 décembre. Tout d’abord, nous apprenons que le bateau fera exceptionnellement le trajet Maré-Nouméa sans passer par Lifou ou Ouvéa. Ensuite, les employés de l’aérodrome finissent par nous apprendre que s’il est impossible de mettre la caisse de Toffee dans la soute à bagages, il est possible de la mettre dans la soute du fret sur accord du Commandant de bord… Maintenant, il faut miser sur le bon cheval car le bateau et l’avion sont à la même heure ! Nous parions sur l’avion, sachant que nous sommes dépendants du desiderata du Commandant de bord qui est injoignable à l’avance en dépit de nos tentatives. L’avion a du retard et nous savons que dans vingt minutes, le bateau largue les amarres… 20 minutes, et notre temps de trajet pour aller au port est d’un quart d’heure ! Pris d’une soudaine angoisse face au retard de l’avion, nous démontons en vitesse la boîte de Toffee pour filer au port, mais au moment où nous allions enfourner le chien dans la voiture, l’avion arrive ! Le Commandant de bord accepte Toffee, faut dire qu’il présente bien le garçon ! Heureusement il n’ a pas cerné le caractère bourri de la Touffe : « C’est un chien polaire ? – oui, oui ! Il a pô l’air comme ça, mais ne vous y fiez pas ! ». Nous téléphonons à Nady pour lui confirmer qu’elle aura à réceptionner Toffee. Par son charme, elle se fait aider pour monter Toffee dans sa voiture, et même pour transporter la cage chez elle !
Dernier char, celui de Noël, le seul jour où A.V et moi nous nous sommes posés. La messe de minuit maréenne est dépaysante, mais on y a retrouvé les chants de Noël traditionnels et la crèche. La crèche est richement décorée, recelant notamment de rares joyaux comme des cadres lumineux de saints hypnotiques. Le lendemain, nous mangeons dans un gîte, au bord de la mer, de la salade de poulpe délicieuse, et du vivaneau savoureux.
Le 26 décembre : départ pour Nouméa. Courses aux cadeaux et souvenirs (Niaouli, Tamanu et paréos), Sécurité sociale et adieu à Toffee.
27 décembre : Départ pour la métropole. Notre avion décolle avec une heure de retard. Cette heure de retard se répercute sur notre correspondance à Sydney où nous courons pour attraper notre avion pour Hong Kong. A Hong Kong, même course mais cette fois-ci dans des couloirs déserts. Enfin 2 petites chinoises nous accueillent à l’embarquement. Le trajet de 28 heures se passe plutôt bien mis à part que le Lapin dort beaucoup moins qu’en juillet, et donc nous aussi…
28 décembre : Arrivée à Roissy, nous apprenons qu’une de nos valises ne nous a pas suivis et qu’elle est quelque part entre Sydney et Hong Kong. Nous prenons ensuite le RER, nous sentons le froid, il fait 1°C. Aloha ne comprend pas pourquoi elle a doublé de volume dans du tissu. Elle n’a que les yeux qui bougent. Mais elle est émerveillée par le RER et le métro. Joie que ne partagent pourtant pas ses voisins gris, voyageurs du quotidien. En attendant notre train, nous prenons un petit déjeuner au Quick, et Aloha n’en revient pas de la beauté des lieux !
A 12h30 le train corail arrive à Flers où Papy et Mamy sont là. La voiture est petite : heureusement qu’il nous manque une valise ! D’ailleurs, depuis notre départ de Roissy, nous nous réjouissons de ne pas avoir à transporter une valise de 30 Kg en plus. En plus, on nous l’a promise le lendemain livrée à domicile : le coup du sort devenait une aubaine ! La suite nous démontrera que l’aubaine sera limitée puisque nous récupérerons notre valise 9 jours après… Mais ce midi, nous fêtons nos retrouvailles dans le boudin aux pommes, le Rocbère et du Gillot : pas de doute, on est bien en Normandie !
Noël – Baptême d’Aloha / fête de nos 30 ans – Tournée dans le Nord – Vacances dans le Limousin – Baptême d’Angèle – Fin du séjour. Nous n’avons pas pu aller voir tout ceux que nous souhaitions. Nous ne pouvons plus faire des tournées comme auparavant pour respecter les siestes d’Aloha.

10 février : Retour en Nouvelle Calédonie. Le train corail qui nous emporte nous fait emprunter un trajet inouï de Flers la Fière, à Briouze la Rebelle, Argentan l’Intransigeante, Surdon l’Orgueilleuse, l’Aigle l’Impériale, Verneuil-sur-Avre l’Oubliée, Dreux la Dévoyée, Paaaris la Martyrisée, Paaaris l’Outragée, mais Paaaris la Libérée !
11 février : Au bout de 10 heures de vol, nous arrivons à Hong Kong. Nous avons 10 heures d’escale. Malgré la fatigue, nous nous inscrivons à une visite de la ville où seulement 4 pékins (c’est le moment de la faire celle-là) se sont inscrits. La guide nous montre des infrastructures devant lesquelles nous devons montrer notre admiration. Mais à vrai dire, voir un grand pont, cela laisse de béton, surtout après le pont de Normandie ou le pont de Millau… Pire, notre bus passe devant des tours, et la guide s’enflamme pour ces tours de logements sociaux. Or, pour nous c’est une horreur totale : une forêt de barres d’une centaine d’étages, les unes faisant de l’ombre aux autres puisqu’elles ne sont espacées que d’une vingtaine de mètres ! Vu les trésors d’ingéniosité pour entasser un maximum de choses sur leurs petits balcons, l’espace intérieur doit être lilliputien. Enfin, nous nous enfonçons dans le centre de Hong Kong. Nous quittons notre bus. Nous sommes frappés par le vacarme des voitures et des voix. En effet, tous les trottoirs sont investis par des femmes philippines, et cela s’entend comme des pintades dans un poulailler ! Notre guide nous explique que tous les week-end, elles se rassemblent en cercle sur les trottoirs, sous les préaux, pour discuter entre elles, téléphoner, tricoter, manger et boire. Plus loin, la guide nous emmène visiter un temple bouddhiste. Dans une cohue énorme, nous nous frayons un chemin avant de nous apercevoir qu’un film se tournait, et que le réalisateur attendait qu’on déguerpisse pour hurler « action ». C’est ainsi qu’un amoureux éconduit courait entre les voitures après un scooter qui a frôlé P.J, un bouquet de fleurs à la main (l’acteur, pas P.J !). Nous visitons le temple, mais nous ne nous attardons pas car chaque personne tient une forêt de bâtonnets d’encens fumants à la main, et l’air est si irrespirable que nous avons peur pour notre enfant ! En ressortant, à nouveau une caméra et une équipe de tournage. Nous esquissant un petit mouvement latéral nerveux de repli en roulé-boulé (nous sommes au pays de Bruce Lee !!!) pour débarrasser le pavé. Mais pas de « action » ou de scooter en trombe. Il s’agit en fait d’un autre tournage, mais cette fois-ci d’un documentaire… autant dire que notre petit mouvement de repli dont nous étions très fiers n’était pas du plus bel effet pour la crédibilité et l’aspect naturel du reportage… Après avoir ruiné deux tournages en 20 minutes, alors que nous riions sous cape des milliers de dollars qui venaient de partir en fumée de par notre espièglerie toute française, notre guide revient entourée d’un nuage de fumée, et telle une Shiva aux mille mains, nous indique qu’il faut la suivre pour aller sur un autre site. Autant vous dire qu’elle a dû être impressionnée par notre jeu d’acteur car elle nous emmène sur la plus prisée des avenues de Honk Kong. Une avenue longeant le fleuve où défilent cargos sur cargos et quelques coques de noix de pêcheurs. Sur cette Avenue, il y a, dans un décor des plus kitsch , des statues de Bruce Lee, d’acteurs américains, de Marylin Monroe, des empreintes de mains de célébrités scellées sur le trottoir comme à Hollywood. A.V place ainsi ses mains dans celles de Jackie Chan, le célèbre karatéka (je ne sais pas ce qu’il a de plus que moi celui-là…). Aloha, mettant ses pieds dans les pas de sa mère, lui a emboîté le pas en posant ses mains dans celles de Jackie Chan ! Tout le monde suit ? Ensuite, le guide nous indique comment reprendre le métro pour revenir à l’aéroport, afin de nous laisser autonomes. Nous en profitons pour prendre des petites ruelles populaires (celle-là aussi il fallait que je la fasse !) où s’entassent les échoppes de petits commerçants. A l’aéroport, un rapide calcul des taux de change, et un distributeur automatique nous a permis de retirer de l’argent. En voyant les prix pratiqués, peu à peu, des ailes nous poussent dans le dos… Nous hésitons entre 2 petits kimonos pour Aloha : qu’à cela ne tienne, nous achetons les deux ! Anne-Violaine a besoin de chaussures, crac des chaussures. A.V a besoin d’un sac à main, nous quittons les petits commerçants pour entrer dans une grande artère bordée de magasins de luxe… Nous entrons dans une sorte de Galeries Lafayette où il y a très peu de monde. Les gens sont très attentionnés et très serviables. Nous croisons, certes, des coqs-nouveaux-riches-gominés accompagnés de leur faire-valoir féminin qui nous rappelle notre condition sociale inférieure. Mais sinon, nous éprouvons dans un frisson délicieux le vertige de tous les possibles, la satisfaction d’avoir assez de fric pour acheter ce qui nous fait plaisir ! Une sorte d’euphorie nous transporte de magasins en magasins. Dans ce décor de guimauve, ces lumières tromboscopiques, cet ascenseur social de cristal, ces vitrines en cornes d’abondance, P.J ne s’appelle plus P.J, mais Jonathan Hart, Bobby Ewing, ou Blake Carrington ; A.V ne s’appelle plus A.V, mais Jennifer Hart, Pamela Ewing, ou Linda Evans ; Aloha ne s’appelle plus Aloha, mais… Février, Charlie Wade, ou … P.J regarde les Rolex dans les vitrines, et n’en croit pas ses yeux : des Rolex à 3000 fr, cela ne peut être que des fausses. Ils affichent pourtant des certificats d’authenticité. P.J hésite, mais garde son doute. Nous étions fatigués avant la visite, autant dire qu’après, avec le shopping en sus, nous sommes sur les rotules. A.V me propose de nous sustenter au salon de thé des Galeries Lafayette locales, en haut du building. Là aussi, très peu de monde, il y a quelques architectes ou diplomates j’imagine, et puis nous… sales, des paquets plein les mains et un moutard sous le bras. Bref, on débarque. Mais notre nouvelle promotion sociale nous fait glisser à un mètre au-dessus des tapis chamarrés jusqu’à notre table… Notre serveur attitré nous fait asseoir en poussant délicatement nos chaises derrières nous : il n’y avait plus qu’à se laisser aller, la prise en charge est totale. La vie des riches est parfois monotone, il est vrai. D’un œil las, P.J regarde la carte, le ventre déjà plein (comme toujours chez les riches), et embarbouillé des plateaux repas de 2e classe de l’avion (un temps révolu où nous étions horriblement pauvres. Mais les riches aussi ont souffert dans leur passé !). A.V regarde avec avidité un thé spécial au jasmin servi avec une succession de petits fours salés puis sucrés. Les femmes de riches sont toujours insatiables, c’est bien connu… De guerre lasse P.J se laisse entraîner par la commande de la nouvelle Eve en face de lui, et succombe à la tentation du Grand Chelem de la gourmandise. Nous sommes pris dans un tourbillon de délices. Nous n’avons plus faim, mais, vieux réflexe de pauvre, nous terminons toutes nos assiettes ! L’extrême sollicitude du serveur nous fatigue. P.J griffonne négligemment les formulaires de notre paiement en étouffant un rot. Nous esquissons un geste agacé pour donner congé à notre cour. La honte au front, nous nous traînons dans un métro où règne la promiscuité pour rejoindre l’aéroport. Finalement, les rois du pétrole à Hong Kong ont été raisonnables : 2 kimonos, des escarpins, un jeu de 52 cartes à la gloire de la Révolution (rien que pour le plaisir de voir Papa jouer à la coinchée avec), un beau sac à main, du Whisky fumé 18 ans d’âge, des cigares Davidoff 1er cru, une étole de fourrure (c’était trop doux, peut-être du chat ?!), des habits, et quelques cadeaux pour les collègues… Dans l’avion, nous n’en revenons pas de notre folle épopée, et le doute reprend le dessus. A.V recalcule le taux de change. Son visage se transforme…P.J s’en inquiète, lui qui avait laissé le soin à A.V, titulaire d’un Bac C mention Bien (presque très bien), d’effectuer le calcul primordial du taux de change… En fait, le secret de notre richesse résidait dans le fait que nous divisions les dollars hong-kongais par le taux de change pour aboutir à des francs au lieu d’euros. Entre les francs français, les euros, les francs pacifiques, les dollars, la fatigue, et les décalages horaires, nous avons fait un petit mélange détonnant qui nous faisait diviser tous les vrais prix par 6, 55957. Ce qui faisaient de super-promos vachement valables ! Ainsi, le salon de thé n’était pas à 20 francs chacun, mais 20 euros, tout simplement… On se disaient même que quand les Naert (nos amis du Nord, spécialistes en vide-greniers, faillitaires et autres bonnes affaires) viendraient nous voir, il faudrait qu’ils fassent absolument escale à Hong Kong… P.J s’est un peu tassé dans son siège. A.V, philosophe, le rassure en lui rappelant qu’il n’a pas cédé à la tentation d’une rolex ! Et puis, ça nous fera des souvenirs, sans cette illusion nous n’en aurions pas profité… Ainsi, il ne faut pas craindre la grippe aviaire en Asie, mais la fièvre acheteuse ! Le sourire de P.J reste assez jaune (celle-là, c’était la dernière !).
11 heures plus tard, l’avion amorce son atterrissage sur Sydney. A ce moment précis, Aloha est à l’origine de 2 évènements émouvants. En effet, serait-ce l’appréhension de l’atterrissage, elle lâche son premier « papa » distinctement. Après plusieurs mois de rabachage et de lavage de cerveau, son papa est satisfait ! Même s’il n’est pas dupe de la différence entre le signifiant et le signifié. Ainsi, la linguistique fait l’objet d’un débat passionnel entre le Lapin et « Sonpapa » à coups d’onomatopées. Deuxième événement, A.V fait téter Aloha afin qu’elle déglutisse pour que ses oreilles se dépressurisent. Dans un accès de gourmandise dira-t-on, Aloha donne un coup de dents bien senti… Saisi par la vive douleur, dans un réflexe aussi brusque qu’irréfléchi, A.V donne à Aloha sa première baffe (non, juste une tape à 2 doigts). L’instant d’après, Aloha lâche prise. Aloha est la moins choquée de nous trois ! Tandis que « Sonpapa » est bouche bée, que « Samaman » s’en veut à mort, le Lapin semble indifférent comme si de rien était… Alors on finit par en rire !
A Sydney, après toutes ces heures de vol et d’attente, nous apprenons que notre prochain avion va décoller dans 15 mn, et qu’il est déjà trop tard pour l’attraper… Alors qu’il ne nous reste que 2h30 de vol pour en finir, ils vont nous dévier dans quelques heures sur le Vanuatu. L’expérience aurait pu nous réjouir, mais ce petit crochet va rajouter 8 heures à l’addition des heures de vol déjà bien salée ! Bien que nous soyons une vingtaine de passagers dans le même cas, et nous pouvons compter sur eux pour râler pour notre cause, les autorités ne veulent rien savoir (même si l’hôtesse est très embarrassée : Nouméa constitue le terminus, attendre 30 mn l’enregistrement de nos bagages n’aurait pas eu de conséquences graves pour les passagers déjà embarqués, et nous aurait évité tout de même 8 heures de trajet en plus !).
Pour passer le temps en attendant les 4 heures qui nous séparent de notre vol pour le Vanuatu, nous mangeons, et errons comme des zombis dans les boutiques Wallaby. Aloha est aux anges, entre les peaux de bêtes, les Kangourous et les Koalas en peluches, le bonheur est dans l’instant, à moins qu’il ne soit dans l’instinct… C’est fou la manière dont marche le personnel de bord dans les aérogares, toujours en escadrille : Commandant de bord en tête, les co-pilotes à ses côtés mais légèrement en retrait, quelquefois suivis par des hôtesses fermant ainsi le delta d’oies sauvages.
C’est avec une certaine appréhension pour P.J, que nous bouclons nos petites ceintures dans le fier oiseau blanc de Air Vanuatu… Pour une fois, P.J suit très attentivement les consignes de sécurité. Il inspecte même par le hublot l’état des ailes, et le ravitaillement en kérosène de l’appareil. Les sièges de l’avion lui rappellent les bus de l’école qui l’emmenaient à la piscine dans les années 80… Il y a comme des restes de chocos fossilisés dans le range-tablette de l’accoudoir, comme dans l’ancienne Ford Sierra d’Yvonnick…Il flotte comme un air chaud d’amateurisme chez les hôtesses… maladresses, inefficacité, mais grande gentillesse. Une demi-hôtesse chinoise aurait suffit pour le service des deux vanuataises girondes. Pour servir un verre de jus de tomate, ce n’est pas bien grave en convient P.J, mais du coup il craint le même relâchement sur les contrôles de sécurité de l’avion. Le vol se déroule sans encombre.
A l’arrivée au Vanuatu, nous sommes accueillis par un groupe local de musique, ce qui nous met un peu de baume au cœur. Nous sommes quasiment les seuls à applaudir ! L’atmosphère est très chaude et moite. Pomme-de-terre sur le gâteau, ils nous redonnent nos bagages ! Ce qui fait que nous serons encombrés pour sortir de l’aéroport, et qu’il faudra compter une heure en plus pour les faire à nouveau enregistrer !!! Mais il y a bien longtemps que nous ne sommes plus en état de protester… Nous nous sentons embarqués comme ces camions de cochons que l’on dépasse sur la route : parqués, numérotés, de la viande en transit. Nous ne savons pas du coup si notre voiture de location nous attendra à l’aéroport de Nouméa.
Nous arrivons à 21 heures à Nouméa le lundi 12 février… Après 52 heures de transport nous emmenant « d’aventures en aventures, de trains en trains, d’aéroports en aéroports, jamais encore je te le jure, je n’ai pu oublier (…) » ton sort ! Folle épopée de Flers la Fière, à Briouze la Rebelle, Argentan l’Intransigeante, Surdon l’Orgueilleuse, l’Aigle l’Impériale, Verneuil-sur-Avre l’Oubliée, Dreux la Dévoyée, Paaaris la Martyrisée, Paaaris l’Outragée, mais Paaaris la Libérée, Hong Kong la Fiévreuse, Sydney l’Impitoyable, Port Vila l’Inattendue, Nouméa l’Inespérée… Qui aurait cru qu’après Briouze (dite « Bériouze-la-supée ») tout pouvait ainsi basculer, comme Bassot ? Je comprends mieux la sédentarité de certains… qui nous avaient pourtant prévenus!!! Ah ! folle jeunesse ! que n’as-tu point deux oreilles et qu’une bouche pour plus écouter que de ne parler ! …
Notre voiture de location n’est pas là, mais nous attrapons l’employé (qui s’avère être le patron) d’une autre agence pliant boutique. Par chance, il lui reste une voiture !
Mardi 13 février : Il est 6 heures du matin, fatigués, nous n’arrivons plus à dormir. Ca tombe bien car nous avons une liste de courses longue comme le bras à déposer demain avant 15 heures au fret maritime.
Mercredi 14 février, 19 heures : Arrivée à Maré. A l’aérodrome, nos amis ont du mal à nous reconnaître : Le Lapin éteint, Anne-Violaine verte, et P.J barbu et sale. Nous apprenons que les travaux de peinture dans notre maison ne sont pas achevés. La maison est en chantier.
Jeudi 15 février, 7h30 : Rentrée du petit Pierre-Jean qui a meil-meil dans ses cui-cui.
Il nous faudra 15 jours pour ranger complètement la maison !
Mardi 27 février : Toffee est de plus en plus faible depuis 3 jours, et son état commence à nous inquiéter. Nous croyions au départ qu’il souffrait un peu plus que d’habitude de sa patte à cause de la plage de ce week-end. Mais A.V l’ausculte car il ne se lève difficilement et boude ses croquettes. Elle se rend compte que ces gencives sont trop blanches… Diagnostique : tumeur de la rate ou intoxication aux anti-coagulants. A.V trouve une grande clinique sur Nouméa, et tombe par chance sur d’anciens copains de promo de Maisons-Alfort : Aaron et Catherine ! Nous remettons Toffee à l’avion. La clinique confirme l’intoxication à la mort-au-rat. Toffee est alors très proche de la mort. Dans une dernière tentative, ils transfusent Toffee avec le sang de leur chien. Même si leur chien n’est pas du même groupe sanguin que Toffee, ce n’est pas grave, car la première fois, il n’y a pas de réaction immunitaire. Cette transfusion a sauvé notre chien. Il reste ensuite 5 jours en convalescence à la clinique. C’est la bonne fée Nady qui ira récupérer Toffee, et qui fera le forcing plusieurs jours au fret aérien pour qu’ils veuillent bien l’accepter…
Mercredi 28 février : Après 6 mois de tracasseries administratives, notre ami Christophe se marie enfin avec Angie, son épouse d’origine fidjienne. Le parcours du combattant fera l’objet d’une lettre, tellement l’absurdité administrative a porté ses plus beaux fruits ! Anne-Violaine et moi sommes les témoins. Nous fêtons l’événement en buvant un petit rosé sur la plage d’Eni, avant de manger des crêpes façon Lenôtre chez nous. Angie devient alors fan de ces French rrrrroti.
Vendredi 2 mars : Christophe me fait part des difficultés d’Angie à s’habituer à leur maison. Elle y sent des esprits malveillants…
Samedi 3 mars : Aloha ne tète plus le jour. Reste la nuit, où la tétée rassure Le Lapin.
Mardi 6 mars : Aloha sait se tenir toute seule debout accrochée à un accoudoir de fauteuil ou un barreau de chaise.
Mercredi 7 mars : Nady a enfin réussi à mettre Toffee à l’avion ! Son aide est irremplaçable.
Je m’aperçois que Christophe est livide. Il m’avoue qu’ils ne dorment plus du tout la nuit, et qu’Angie commence à avoir des hallucinations. Plus tard dans la journée, j’en parle à A.V. Nous décidons de les accueillir à la maison pendant qu’ils chercheront un autre logement. Ils acceptent notre invitation avec un soulagement énorme. Angie ne parlant qu’anglais, nous déplions comme de vieux draps notre vocabulaire anglais : ça fait le plus grand bien. Par contre, son accent est loin de la prononciation british victorienne. Elle roule les « r » en mangeant d’autres lettres, tout en parlant très vite. Pour les « r » roulés, nous pouvons dire merci à l’Abbé Martin, pour le reste on se débrouille comme on peut !
Jeudi 8 mars : Aloha fait sa première nuit sans tétée au sein. Elle crie pendant une heure, alors que Christophe et Angie ont emménagé pour mieux dormir ! Malgré les conseils de Sonpapa, Samaman craque. Elle se lève et va voir son Lapin en larmes, mais au lieu de la calmer, Aloha hurle de plus belle. Elle ne prête aucune attention à Samaman : ce n’est qu’une tête chercheuse de sein. Une fois recouchée, et surtout, une fois Samaman rassurée sur les pleurs de l’enfant, tout le monde s’endort dans le quart d’heure qui suit.
Samedi 9 mars : C’est le matin, le soleil baigne de lumière le calme de la campagne, mais ça pue : Alors Christophe et Angie commencent à payer leur loyer en lavant Toffee ! Après l’avoir lavé, A.V et Angie se disent que décidément, la pauv’ bête a bien chaud dans ses poils… Ni une ni deux, elles tondent la bête comme un mouton ! Pendant ce temps P.J termine son poulailler qu’il a confectionné avec notre caisse de déménagement. Il n’est pas très content d’apprendre que Toffee a été rasé… mais en le voyant si heureux et pas si moche que ça, il concède que la décision était la bonne. L’après-midi, forte de leur exploit du matin, il vient à nos femmes l’envie meurtrière de nous tondre également ! C’est ainsi que Christophe et P.J sont tour à tour tondu. Une masse de poils de chien et de cheveux d’hommes couvrent la terrasse dans un joyeux nuage. Aloha profite de l’effervescence pour en mettre une grosse poignée dans sa bouche. Ensuite, nous nous rendons à Tenane, au nord-ouest de l’île, pour son marché de légumes. Nous prenons un thé en regardant les anciens jouer au bingo (pour les femmes) et à la belote (pour les hommes). Nous poursuivons ensuite par un petit chemin rocailleux dans la végétation pour arriver sur une petite plage. Il fait beau, il fait chaud, mais en même temps, il pleut. Aloha se baigne ainsi sous la pluie dans un arc-en-ciel. Ca fait un drôle d’effet, et un drôle de bruit de se baigner dans la lumière du soleil sous une grosse pluie orageuse. Angie repère des pierres spéciales sensées accumuler la chaleur du feu, et la restituer lentement. Elle assure que la viande ou le poisson cuits sur ces pierres ont un goût incomparable. Le seul souci, c’est qu’elle a rassemblé un joli tas qui s’est retrouvé… dans mon sac à dos ! Je dois remonter ainsi entre 40-50 kilos de caillasse. Comme il faut à certains endroits grimper pour revenir à la voiture, je bascule plusieurs fois en arrière ou sur le côté, faisant ainsi plus ample connaissance avec la flore locale ! Le pire à venir est de traverser la tribu sans qu’il n’y paraisse : je ne tiens pas à ce qu’ils s’aperçoivent que l’on a pris ces pierres à leur plage ! Après 15 mn de grimpette sous mon sac, il fallait se redresser et bomber le torse pour les 100 derniers mètres. En fumant un peu du chapeau, j’exécute diplomatiquement des petits saluts de la main aux hommes qui jouent aux boules qui ont dû se dire en ricanant « Encore un Z’oreille qui a cuit au soleil comme une crevette dans son court-bouillon ! », et un petit coup de tête que j’espère éloquent aux dames encore au bingo. Depuis, les pierres dorment au fond du jardin…
Dimanche 10 mars : Angie fait connaissance avec le Monopoly. Et là, une grande passion s’allume dans ses yeux comme ceux d’Omar Chariff, une grande frénésie du jeu et du capitalisme fait irruption dans la vie d’Angie. Comme un feu qu’on ne peut éteindre, elle n’aura de cesse de nous supplier de jouer au Monopoly tous les jours de la semaine, à notre grand dam…
Lundi 11 mars : Ca y est ! Le pli est pris, Aloha fait ses nuits sans plus rien réclamer.Nous retrouvons Toffee dans une flaque de sang. Il a fait une rechute ! En effet, il avale ses comprimés de vitamine K avec difficulté. Il a dû nous duper 2 ou 3 fois, et cela a suffit pour qu’il ne coagule plus, provoquant ainsi des hémorragies. 15 jours supplémentaires de traitement seront nécessaires pour écarter définitivement cette triste histoire. Malveillance ou malchance ? Il y a effectivement de la mort-aux-rats autour du petit magasin où A.V se rend chaque jour avec lui. Mais ce genre de produit n’est normalement pas appétant pour les chiens. Nous préférons croire à un accident, car on a du mal à concevoir un tel geste chez les mélanésiens que nous côtoyons.
Mardi 12 mars : Grande soif sous les tropiques, Aloha boit un biberon entier en 5 mn ! Elle aura fait ses nuits avant de se mettre à boire ses biberons. En fait, ce qui a un peu débloqué l’affaire, c’est le goût caramel Gallia ajouté au breuvage qui a fait mouche…
Mercredi 14 mars : P.J est ému : il va enfin acheter ses poules. Il est temps, car tout avait tendance à se revêtir de plumes aux yeux de P.J qui ne pensait plus qu’à ça ! C’est l’aboutissement de 6 mois de débats becs et ongles, de rêves en plumes, d’espoirs à tire d’aile mais aussi d’abattements accroupiottés, d’obstination crêtue et de volonté dentée, de génie volatile pour édifier ce magnifique hôtel à poules baptisé « Le Paradise ». Un nom qui sonne comme la Légion, qui claque comme un petit blanc au zinc d’un bar à poules ! Bref, il a fallu une poigne de chef d’Etat pour mener à bien ce projet qui ne faisait pas l’unanimité dans son proche entourage. Il en ramène 4, vieilles pondeuses en fin de carrière achetées au poulailler « industriel » du coin. Mais il espère en soutirer quelques œufs, puis une couvée avant leur fin royale promise en poule au pot. Mais pour cela, il faut un coq ! Et cet objectif va l’obnubiler pendant des jours !
Jeudi 15 mars : La Principale du Collège jette l’éponge. Elle fait face à une opposition de plus en plus musclée de l’USTKE, le syndicat kanak des ultras. Elle se met en congé de maladie, mais son au-revoir, pour nous, les proches, sonne comme un adieu. De fait, depuis elle n’a toujours pas repris. C’est une caldoche têtue, opiniâtre, perfectionniste, peu propice aux compromis et aux palabres. Il faut toutefois une bonne dose de diplomatie et de discussion pour faire avancer les choses… Elle ne connaissait que la ligne droite. Mais la ligne droite n’est pas, ici, le tracé le plus court entre un point à un autre. Elle en fait les frais. Le Collège restera bloqué financièrement et administrativement pendant 2 longues semaines. Financièrement, je suis le premier et le dernier maillon de la chaîne : en tant que Gestionnaire détenteur d’une délégation de signature, je peux engager des dépenses ; en tant qu’Agent comptable, je peux payer les factures. Mais la liaison entre ces deux phases tient en l’ « attestation de service fait » que seul peut signer le Chef d’établissement. C’est le principe de séparation entre l’Ordonnateur et du Comptable qui régit la vie financière de toute l’administration publique. Voyant que le Vice-Rectorat était long à la réaction, j’ai écrit un courrier au Vice-Recteur afin de l’informer de l’urgence à nommer un Ordonnateur intérimaire. J’avais un peu peur de me faire taper sur les doigts car mon courrier était… comment dire… assez direct. Mais comment rester les bras croisés alors que les jeunes allaient entamer une 3e semaine creuse aux ateliers sans matière d’œuvre ? Une semaine après, un Ordonnateur intérimaire était nommé : Le Principal du Collège de Tadine, dont je suis aussi l’Agent comptable. Heureusement, j’avais préparé le terrain en l’avertissant d’une possible proposition du Vice-Rectorat. Il n’a donc pas été surpris et a alors aussitôt accepté. Par contre, est-ce un signe d’agacement, je n’ai pas été directement mis au courant, sauf un courrier une semaine après…
Vendredi 16 mars : La journée commence bien : la découverte de 3 œufs remplit de joie le foyer ! Angie et Christophe abaissent au dernier cran le sommier amovible du lit d’Aloha car depuis qu’elle se tient debout, nous craignons qu’elle se redresse dans son lit et bascule. On la retrouvera le lendemain matin, debout, accrochée aux barreaux de son lit en train de faire des grands « Ta, Ta ! ». P.J se dit qu’il n’a pas vu grandir sa grande fille et il craint qu’elle exige maintenant un scooter et un portable !
Samedi 17 mars : Nous sommes invités par le CPE qui vient de la Réunion. Mais P.J doit décommander la veille car A.V lui rappelle qu’ils ont eux-même invité d’autres amis… P.J demande à Christophe s’il se souvient qu’il est lui aussi invité par Jean-Claude, le CPE. « Ah bon ? ». J’entrevois l’incident diplomatique arriver de face. Je prends mon Christophe et nous allons chez mon Jean-Claude tirer les choses au clair. J’explique le quiproquo à Jean-Claude, qui renouvelle son invitation. Christophe oppose un refus poli pour ne pas que Jean-Claude se sente obligé de l’inviter dans l’hypothèse où il n’était pas prévu. Echange en raquettes de ping-pong matelassées de politesse ! Trou noir du savoir-vivre car du coup, plus personne ne sait quoi faire puisque personne ne sait ce que pense l’autre réellement ! C’est enfin tranché, parce qu’il commence à faire faim nom de d’là ! : Christophe et Angie vont aller manger chez Jean-Claude, tandis que P.J et A.V vont recevoir leurs amis. 12h15, P.J s’inquiète de ne pas voir arriver ses amis, et demande courageusement à A.V de téléphoner afin de s’assurer qu’ils se souviennent bien de notre invitation… « Ah ! Pardon, nous croyions que c’était ce soir ! – Alors à ce soir ! ». P.J et A.V mangent en amoureux. Ensuite, plage, Kayak, Repas joyeux du soir avec nos amis, enfin !
Lundi 19 mars : P.J est englouti depuis plusieurs jours par les soucis comptables du Collège de Tadine. Il s’apprête à rentrer, il fait nuit, il est 19h00. Mais sa journée continue… la roue de la voiture de service est crevée ! Pendant ce temps, A.V prend un Kanak en stop. Il s’inquiète assez vite de son statut marital… A.V lui répond qu’elle est mariée… Ne se démontant pas, il lui demande si elle est heureuse ! « oui, oui ! ». A.V essaie de changer le cours de la discussion et lui dit qu’elle va chercher Aloha, ses yeux s’illuminent à nouveau : « Ah bon ? t’as une fille ? – oui, mais elle a 9 mois ! ». « Ouais, parce tu comprends, chui resté 2 mois avec ma copine à Lifou, mais c’était trop prise de tête. Alors chui revenu à Maré. Et là je vais à Nece voir une copine. Parce tu sais, je suis adventiste, et j’ai fait des prières ce matin… Alors je pense que ce soir ça va être bon ! ».
Mardi 20 mars : Arrêt au stand de la PMI pour le Lapin qui est pesé et mesuré. Résultat des courses : 8, 230 Kg pour 70 cm.
Mercredi 21 mars : Pas de plage aujourd’hui, A.V prépare ses cours depuis deux semaines. En effet, elle assure des cours d’Histoire-géographie, d’éducation civique, et de français dans le cadre d’un CAP Agricole dans un Centre de Formation et de Préparation pour Personnes Adultes (CFPPA). Le nombre d’heures correspond à un mi-temps. Pendant ce temps Angie garde Aloha.
Jeudi 22 mars : Premier cours d’A.V, cours de français devant… 4 élèves ! Une chasse aux élèves est ouverte : 8 rejoindront peut-être les rangs. Le niveau est très faible, mais les jeunes sont sympathiques.
P.J revient enfin victorieux du Collège de Tadine ! Depuis 8 jours, il essayait de démêler l’imbroglio comptable du Collège. Tout est mis en ordre, mais l’ordre fait apparaître un trou de 20 millions de francs pacifiques ! …
Samedi 24 mars : Tuasse chez les poules. Cela faisait quelques jours que cela couvait… Les poules ont vite remplacé leurs œufs par des crottes, et P.J est très colère. Pour mater la rébellion, P.J a repéré une dangereuse activiste USTKE parmi le poulailler. Il faut faire un exemple ! Angie, spécialiste des poules à Fidji, est mon bras droit. Elle m’a aidé à reconnaître la rebelle en leur tâtant les entrailles. Pas moyen de mettre la main sur le fusil à aiguiser pour la machette. Tant pis, je frapperai plus fort. La tête de la poule révolutionnaire dans la main gauche, la machette dans la main droite, Angie tient les pattes, une palette pour billot, et CRAC. Un deuxième coup est nécessaire. Un troisième viendra parfaire le travail… Et puis ça y est. La tête proteste d’un côté, le corps de l’autre. Angie s’occupe du plumage et du vidage, tandis que je vais chercher une nouvelle poule chez mon fournisseur Pujapujane. Au plumage, on se rend compte que la rebelle avait 2 croupions ! Au lieu de pondre 2 fois plus, elle fientait double sur la terrasse ! Bon choix l’ami ! Mais jusqu’au bout cette vieille poule aura fait des siennes : la garce était une vieille carne ! De rage, nous avons mangé notre colère en la mastiquant jusqu’au bout !
Dimanche 25 mars : Tout le monde vit dangereusement. La Louloutte connaît son premier frisson de petit matelot à bord du Kayak. Elle a bien nagé, mais à la fin, elle faisait « gla-gla » ! P.J a ramené un superbe cône, coquillage mortel lorsqu’il est habité.
Mardi 27 mars : Le soir à la T.V, on apprend par hasard que nous sommes en alerte pré-cyclonique. Nous sommes surpris car d’habitude, nous sommes les premiers à le savoir grâce au Collège.
Mercredi 28 mars : L’alerte pré-cyclonique est confirmée. Nous rangeons tout ce qu’il y a sur la terrasse et sur la pelouse. On range enfin le garage pour que la voiture puisse s’y garer. On achète de l’eau en bouteille et des bougies. Nous sommes prêts.
Jeudi 29 mars : Journée chômée pour cause de cyclone nommée « Becky », sensé se diriger entre Lifou et Maré. Le CPE, le Directeur de SEGPA et moi assurons une permanence au Collège. En fait, il s’agit d’une tempête tropicale plutôt qu’un cyclone : fortes pluies, vents entre 90 et 120 Km/h. Tout se calme dans l’après-midi. Du coup, P.J souhaite en profiter pour faire du cerf-volant. Il a 2 cerf-volant, l’un pour la voltige, l’autre pour le sport car c’est une grande voile de 2 mètres qui décolle le pilote. Christophe et P.J ouvrent les hostilités. Le plaisir est immense. Toutefois, Christophe qui marche pour relever son engin rencontre les fils de l’aile de P.J en pleine vitesse lui balafrant le visage. Ca ne saigne pas, c’est juste brûlé. Après les excuses de circonstances, nos activités reprennent. Angie, Anne-Violaine et Aloha viennent nous rejoindre. Je laisse la main à A.V et elle prend mon aile. Quelques instants après, le derrière d’A.V se soulève, elle exécute des enjambées de plus en plus espacées, tractée par son cheval éole. Elle finit par s’étaler, mais comme le fier cow-boy, elle ne lâche pas les rênes ! Elle glisse sur quelques mètres sur la pelouse. Angie attrape les fils pour l’aider. Ca n’aide rien. A.V finit par lâcher le manche. Celui-ci suit les fils évidemment, et vient s’encastrer dans la cheville d’Angie. Du beau boulot d’amateur ! Tout le monde se retrouve au Dispensaire. Une pommade à brûlure pour Christophe, une pommade à entorse pour Angie. Nous rencontrons une amie qui amène son petit garçon pour une brûlure sur une lampe. Elle rigole de nos malheurs, l’insolente !
Samedi 31 mars : Christophe et Angie repèrent de superbes coqs dans la tribu de Wabao. Aussitôt contact est pris avec l’autochtone, qui accepte de vendre ses volailles. Dans l’après-midi, nous revenons tous ensemble chercher mon coq, et Christophe, contaminé par la grippe aviaire, en profite pour en acheter un également avec 3 poules. Le coq est magnifique, mais ses poulettes sont sauvages et très dures à attraper. Nous serons obligés de revenir le soir.
Dimanche 1 avril : Nos coqs et poules sauvages se sont enfuis. Va s’ensuivre une battue dans le bush (grande étendue de buissons, de grandes herbes et d’arbres) à la pleine lune. Nous essayons d’être furtifs, mais Toffee n’est pas très aidant comme d’habitude… Nous rentrons bredouilles, avec quelques piqûres de fourmis en plus. Dans les jours qui suivent, les coqs et poules reviendront lentement mais sûrement vers la maison. Aujourd’hui, ils sont presque domestiqués, à coup de blé, de pain, et de pluches. Seul petit problème, mon coq, qui est superbe, n’aime que ses poules sauvages (qui partiront bientôt chez Christophe et Angie). Il dédaigne mes poules rousses pondeuses en fin de carrière ! Il trouve qu’il leur manque un petit goût de gibier, vous comprenez ? Je l’attends au tournant… quand il n’aura plus que ça à se mettre sous sa dent de coq, on verra s’il continuera à bouder la bagatelle… c’est humain…
Jeudi 5 avril : Aloha se met à ramper. Nous protégeons toutes nos prises électriques.Le coq prend de la voix de jour en jour. Il faut compter environ 2 sérénades : l’une vers les 2h du matin, l’autre à 5h. On va s’y habituer, il n’y a pas de raison…P.J prend l’avion vers Nouméa pour prêter serment d’être honnête et loyal dans la manipulation des fonds publics. Il a rendez-vous au Haut-Commissariat, salle Matignon. Il en profite pour faire un saut au Vice-Rectorat pour demander s’il peut déposer sa candidature pour le poste de Lifou qui va se libérer prématurément en septembre. On lui répond qu’il peut déposer sa candidature mais qu’il faut se dépêcher. Le poste de Lifou regroupe un Lycée général, technologique et professionnel avec un Internat, et un Collège. Lifou présente l’avantage d’être plus dynamique que Maré. La plage est à 5 mn du logement de fonction, il y a l’ADSL, et quelques magasins. D’après la collègue qui s’en va, Lifou ressemble à Las Vegas à côté de Maré. Alors on verra si ma demande aura une suite positive. En tout cas ce soir, c’est le début d’une semaine de vacances et ça fait du bien.
Samedi 7 avril : Convoi au dispensaire car le Lapin est suspecté de teigne ! Des petites lésions ulcérées commencent à apparaître sur Aloha. Le médecin n’y croit pas, A.V n’ose pas le contredire mais elle est sûre d’elle : elle en a trop vu dans le Nord ! Suspects n°1 : la chatte et ses 3 petits chatons de Christophe et Angie. Ils sont porteurs sains : vecteurs sans avoir eux-même de croûtes. Suspect n°2 : un chien errant voûté, pelé, aveugle, à moitié sourd, marchant sur 3 pattes (je sais, ça arrive à d’autres !) et affamé que nous retrouvons parfois le matin sur nos chaises longues ! Cela fait 6 mois que nous pensons qu’il ne finira pas la semaine vu son état, mais il force le destin en repoussant les lois de la nature !
Le soir à 20h00, d’une traite, veillée pascale, baptême puis messe à l’Eglise de La Roche, pendant 2h30 ! On est ressorti un peu sonné, comme les cloches !
Mardi 10 avril : Il a fallu retarder la chasse à l’œuf en chocolat dans le jardin pour cause de soleil trop chaud ! C’est pourquoi nous profitons ce jour d’un petit passage nuageux pour initier la Louloutte à la chasse. A.V lui prend les mains, et le Lapin fait de grands pas vers les différents arbres et buissons du jardin. Sonpapa filme. Mais Sonpapa se met bien vite à crier : une guêpe lui a piqué le pied ! Les fiers chasseurs sont mis en déroute. P.J se précipite sur le sèche-cheveux et se chauffe l’orteil pendant plusieurs minutes. Beaucoup de venins se désagrègent à la chaleur. Et ça a fonctionné : la douleur très vive au départ, s’est ensuite complètement dissipée. La chasse reprend une heure plus tard. Le Lapin a capturé un Œuf géant rempli de smarties. Nous lui avons donné un petit morceau de chocolat. Elle a goûté, elle a aimé, elle en a revoulu ! Elle s’est transformé, sous les yeux horrifiés de Sonpapa et amusés de Samaman, en une véritable machine à manger du chocolat, prenant directement des morceaux de chocolat avec des smarties qu’elle enfourne goulûment dans la bouche. Le geste est précis et sûr.
Le soir, P.J entend quelque chose dans le garage… Tout à coup, il aperçoit un énorme rat. P.J s’empare d’un balai que le rat esquive sans se presser ! La Kytie (la chatte de Christophe et Angie) arrive et poursuit le monstre dans les cartons. Un cri retentit. P.J ne sait pas si c’est le chat ou le rat qui crie. Pendant ce temps, P.J aperçoit un 2e rat ! Il essaie de cogner dessus, sans succès. A contrario, Kytie ressort victorieuse, un rat à la gueule. Elle l’emmène à ses chatons qui lui donnent des petits coups de pattes. Par là-dessus, Toffee arrive, et met un certain temps avant de voir le rat. Comme pour reprendre sa revanche sur la mort-aux-rats, il se place sur le dos les pattes en l’air à côté du rat… No comment.
Jeudi 12 avril : Nous visitons le promontoire rocheux qui culmine au-dessus de La Roche. Il a la forme d’un mini plateau. Pour ce faire, nous devons passer par la chefferie, qui nous accorde le droit de marcher sur ces terres sacrées. Un neveu nous servira de guide. L’ascension se fait assez rapidement car La Roche ne fait pas plus de 50 mètres de hauteur. Ici comme ailleurs, il faut veiller à ne pas mettre le pied ou la main dans n’importe quel trou car des ossements d’Anciens se trouvent dans certains d’entre eux ! Au sommet, nous y admirons une belle vue, les anciennes installations des militaires américains pendant la guerre dans le Pacifique, les pompes d’eau potable. Ces installations d’eau ont été installées également par les américains, La Roche agissant ainsi comme un château d’eau.


Vendredi 13 avril : Nous partons en excursion dans le nord de l’île, à Kaewatine. Nous déjeunons rapidement. Aloha mange sa première frite. Ne criez pas, dans le Pas-de-Calais cela se serait produit à 2 mois ! … sachant que la bière, c’était déjà fait en Belgique en janvier ! La promenade nous mène pendant 1 heure de marche dans la forêt pour aboutir à une grande plage isolée.
Samedi 15 avril : Angie et Christophe rentrent de leurs vacances à Nouméa. Nous allons les chercher à l’aérodrome, et nous mangeons les crêpes de fin de vacances avec du cidre (cidre ramené du ravitaillement de P.J sur Nouméa !). Le lendemain, il feront leurs paquets pour emménager dans leur nouvelle maison. L’épisode de plus d’un mois a été positif pour tout le monde, mais nous sommes tout de même contents de nous retrouver enfin seuls A.V, Aloha et moi. Pour Aloha, Angie a été très stimulante car elle est très vive (parfois trop !), tout en étant très maternelle. Je pense qu’elle a permis à Aloha de gagner beaucoup en motricité. Elle applique diverses vieilles recettes hindoues concernant la marche (marcher pieds nus dans la rosée du matin), des frictions des articulations, de l’huile de coco dans les cheveux (Océanien), pincer le nez pour le former (là j’ai dit non), d’autres trucs pour coller les oreilles ou soigner les rhumes, etc. Et pendant tout ce temps, nous avons été abreuvés de musique indienne. C’est très agréable au début, au milieu c’est très agaçant, et à la fin on aime certaines choses et d’autres définitivement pas ! Aloha en a retiré un sens du rythme étonnant. Dès qu’elle entend quelques notes, même dans les publicités à la radio, elle donne des coups de hanches ou de tête, quand elle ne bat pas la mesure avec la main ! En ce qui concerne son babillage, Aloha aime beaucoup commenter ce qu’elle fait à coups de « da-da, ba-ba, ta-ta, pa-pa, fff ! » mais le plus drôle ce sont ses « dla ! » qui s’apparentent à des « nom de d’là ! » surtout quand elle frappe la table de sa main en même temps.
Dimanche 16 avril : Nous profitons du départ d’Angie, de Christophe et de leurs chats pour laver en grand la maison et la terrasse : aspirateur, jet d’eau, et javel, le plan rouge anti-teigne est enclenché. Une page est tournée.




Nous vous embrassons bien fort, et vous disons au-revoir.

Aloha, Anne-Violaine, Pierre-Jean, Toffee, Renato Le coq, et les Poules.

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