mardi 3 juillet 2007

Journal de Maré du 28 juillet au 19 août 2006

Chers toutes et tous,Trois semaines se sont écoulées depuis que nous avons posé nos valises sur Maré, riches en découvertes, petits stress et bons moments.La première semaine a été la plus éprouvante.Bien que la maison soit très agréable (grande, murs et plafonds repeints, mobilier de salon confortable et convivial), dès la nuit tombées (à 17 h 30 !), c’était couvre-feu, car seules 2 ampoules fonctionnaient dans la maison – une dans la salle de bain et l’autre dans la salle. Heureusement, un prof du Collège est venu un soir y mettre bon ordre : c’est l’humidité ambiante qui avait tout grippé ! Et la lumière fut ! De fait, c’est humide ! Rien ne sèche dans la maison ; ils nous ont prévenus qu’il valait mieux mettre nos affaires sur cintres pour ne pas les voir moisir pliés dans les placards ; et P.J a manqué plus d’une fois de se fracasser le coccyx en glissant sur le carrelage les jours de pluie (sans fuite d’eau !). Il fait souvent meilleur dehors que dedans ( entre 20 et 25°) mais les nuits sont fraîches (entre 7 et 15°).P.J a fait sa rentrée en douceur. Les premiers jours, il venait me rendre visite en milieu de matinée parce qu’il n’avait plus rien à faire, et ça avait même l’air de le stresser. Depuis, avec la passation de service, le dépôt des comptes financiers des 2 collèges et la préparation du prochain conseil d’administration, il s’ennuie moins… Par ailleurs, les agents qu’il dirige semblaient faire la tête : regards fuyants, pas causants… mais ils se sont déridés avant la fin de la semaine. Ouf ! Il s’agissait en fait de la manifestation locale de la timidité et de la peur !Côté nourriture, c’est bien, on mange tous les jours quelque chose que l’on n’avait jamais goûté. Les légumes ici (outre carottes, tomates, haricots, pommes de terre) c’est choux de chine, ignames, taros d’eau et de montagne, chouchoutes, patates douces. Côté fruits de saison, c’est un régal : papaye (ça sent juste le vomis), ananas, mandarines et surtout pomme liane, nom local du fruit de la passion, un concentré de goût qui sublime à elle seule une salade de fruits entière ! L’approvisionnement ne pose pas de problème, une cultivatrice nous livre au collège ce qu’on lui a commandé la veille, et il y a beaucoup de petits marchés dans les tribus. Pour le poisson, les gens d’ici ont trouvé un arrangement avec la coopérative des pêcheurs de l’île. Et pour la viande, un boucher de Nouméa dépose au bateau la viande qu’on lui a commandé. Pour les pêcheurs, le seul petit souci est que nous sommes en pleine période de mariages et cela raréfie le poisson : d’une part parce que les familles en commandent beaucoup, et que d’autre part, les marins appartiennent à ces mêmes familles et qu’ils sont régulièrement saouls !La Petite aussi a fait sa rentrée ! Je suis allé le mardi (le mardi tout est PMI !) avec Aloha à la Protection Maternelle et Infantile au dispensaire : on dépose son carnet de santé et on attend son tour pendant une heure et demie au milieu d’une foule de mélanésiennes avec leurs enfants. J’y allais juste pour la faire peser. J’ai d’abord eu des félicitations, car bébé avait bien profité ! en témoignent ses joues et ses plis. Puis je me suis faite sermonnée : « A quoi pensent les médecins en métropole pour l’envoyer ici sans vaccin, alors qu’il y a de la tuberculose et de l’hépatite sur l’île ! ». De fait, à la messe, ça toussotait et crachotait gras dans les rangs… Du coup la médecin-chef attrapa l’enfant par le pieds et CRAC ! deux vaccins ! et un programme de vaccination chargé pour les mois à venir. C’est un bon bébé car il n’y a pas eu d’effets secondaires, et depuis elle se porte comme un charme. Ce qui ne gâte rien, les coliques commencent à s’atténuer et elle dort maintenant entre 6 et 9 heures d’affilée la nuit. Sa Maman apprécie ! L’appétit étant toujours très bon, elle pousse à vue d’œil ! Vivement que la caisse de déménagement arrive avec ses habits de 6 mois (arrivée prévue vers le 10 sept) car elle risque fort d’être boudinée aux entournures les derniers jours !!!A la fin de la semaine, on a enfin eu le téléphone, ce qui a permis à P.J de relancer « vigoureusement » le transporteur aérien de Toffee, qui après 8 jours a fini par retrouver ses papiers. Ca tombe bien, sinon la Quarantaine qui ne pouvait absolument pas le garder un jour de plus (d’autre chiens arrivaient), ne pouvaient administrativement nous le rendre : Toffee aurait alors erré dans les limbes d’un trou noir administratif pendant des millénaires…Nous avons également vécu un jour glorieux sur Maré, puisque le Vendredi a été mis en service le premier ramassage d’ordures de l’île avec un camoin-benne flambant neuf ! Nous avions été horrifiés d’apprendre qu’il n’y avait pas de collecte et que tous devaient jeter leurs ordures dans des décharges sauvages en brousse. Cela nous sera épargné ! Reste qu’il faut être là juste au moment du ramassage car un sac à poubelle laissé plus de 20 mn sans surveillance fini immanquablement éventré par les chiens errants (des corniauds galeux, puceux, faméliques, et … boiteux. Toffee ne fera pas tâche !).C’est donc un peu plus sereins que nous avons entamé notre premier week-end de tranquillité, un peu venteux, mais peu importe puisque nous avons passé le dimanche chez des collègues à P.J. Au menu, lapin à la moutarde, et tarte au citron (d’A.V), arrosés de vin australien ( du Shiraz, entre le Rocbère et le Porto !).La grande affaire de la 2e semaine a été l’expédition sur Nouméa. En effet, il fallait impérativement rechercher Toffee le jeudi 10 août au matin, et on comptait en profiter pour acheter une voiture et la remplir à craquer de courses avant de la mettre au bateau pour Maré. Après moult péripéties : P.J était bloqué le 10 à cause de sa passation de service entre agents comptables, et ne pouvait donc m’accompagner avec la Petite. Toffee ne pouvait pas appareiller par avion, car sa boîte de transport trop large l’interdisait., il fallait donc le mettre au bateau le lundi suivant allongeant ainsi d’autant notre aller-retour ! La note d’hôtel allongeait alors le prix déjà conséquent de la bête ! Une chance, c’est qu’exceptionnellement, le bateau faisait sa traversée malgré le 15 août !!! Nous avons bien cru qu’il fallait qu’A.V reste alors 15 jours sur Nouméa ! Rien est simple et gratuit… P.J m’a donc déposé à l’avion le 9 août au soir, Aloha sous le bras, avec pour mission d’acheter la voiture en arrivant à l’aéroport de Nouméa, d’aller le lendemain rechercher les papiers de Toffee à 60 KM de Nouméa, puis Toffee lui-même à 60 autres km, et enfin de revenir chercher P.J à l’aéroport le soir. Ce qui fut fait, le plus dur a été de faire rentrer la cage de transport (encore elle !) dans la voiture. Toffee est en pleine forme, à plein poils… et à pleines odeurs musquées ! Il s’est apparemment bien plu au centre de Quarantaine : il y avait des balles de tennis et … une belle petite Boxer femelle ! Il nous a fait une grande fête à chacun : à moi le matin et P.J le soir. Mais qu’on ne nous parle pas de l’instinct de la Bête car il a fallu attendre que l’on soit sous son nez pour qu’il nous aperçoive ! Mais au moment où il nous reconnaissait, il attrapait nos habits avant de fondre sur le dos en gémissant.Le soir, on a fait la fête à la Roussette ( pour ceux qui ne savent pas encore, la Roussette est une chauve-sourie locale énorme) chez l’oncle et la tante de Hugues (le copain de Ségolène). Nous avons pris des photos mémorables de la tête de mort de la Roussette surnageant dans le civet entre une carotte et du persil ! P.J a conservé quelques dents en souvenir ! C’etait plutôt bon, assez fin comme du lapin, quoiqu’un peu gras…Nous avons eu la chance d’être hébergés chez une calédonienne, qui, à l’aéroport de Tokyo nous avait proposé fort aimablement le gîte en cas de nécessité. Quelqu’un qui a vécu le deuil tragique de son mari, et qui a une extraordinaire force de caractère. Le vendredi : courses, courses, courses… dans tous les sens du terme ! et sans manger le midi ! et le Samedi : foire de Bourail. Il s’agit de la grande fête des stockmen (cow-boy caldoches) à 2 heures de route de Nouméa. Ambiance Western garantie, chapeaux, danses, musique country, rodéos sur chevaux ou sur bœufs, brochettes de cerfs et … frites (un peu pâlichonnes par rapport au Pas-de-Calais !). On en ai revenu avec un saucisson de cerf au piment, deux paréos et 2,5 kg de crevettes calédoniennes (un régal !) que nous avons dégustées flambées au pastis, et aussi marinées à la sauce soja et flambées au whisky. Dimanche : repos. Lundi 14, retour sur Maré, à 6h30 du matin pour P.J pour être au travail à 7h, et à 15h30 pour Aloha et moi, avec une pleine glacière de beurre et de Cheddar, après avoir déposé Toffee qui n’a pas fait de difficultés pour rentrer dans sa caisse, bonne bête !Que ceux qui s’apitoient sur le pauvre P.J abandonné jeudi et lundi sur son île se rassurent : le Lout a très bien vécu pendant que sa Loute faisait du « shopping ». Jeudi 10 août , l’Inspecteur du Trésor, 2 Chefs de Division du Rectorat et l’ancien Agent comptable sont venus par l’avion du matin (7h) pour la Passation de service qui fera du Lout l’Agent comptable de toute l’île ! C’est à dire des Collèges de La Roche et de Tadine…. L’affaire fut bouclée à 10h, l’avion suivant n’étant qu’à 16h40… Il fallait donc occuper ce beau monde : visite improvisée du « saut du guerrier », des plages de Pénélo, repas gastronomique au Collège servi par les élèves de CAP d’hôtellerie. Le chef cuistot avait mis les petits plats dans les grands, et ça ne mouftait pas dans les rangs des petits CAP. Pour ce remettre de ce repas gargantuesque, visite de l’aquarium naturel, de la plage de Pede, pour finir par un verre à l’Hôtel de l’île avant de tous prendre l’avion pour Nouméa ; situation cocasse inimaginable en métropole. C’est ainsi que c’est retrouvé à nouveau ensemble ce beau monde avec P.J dans l’avion qui venait me rejoindre.Lundi 14, le collège était en fait fermé pour cause… de pont du 15 août ! ce que P.J ignorait et ce que tout le monde ici sait : ce qui fait que P.J ne l’a pas su… Mais, à peine arrivé à son logement, le Lout esseulé s’est vu proposer une balade par un collègue voisin. En fait, ils se sont retrouvés à 8-10 avec des « locaux » sur un chemin escarpés d’une heure, avant d’arriver en haut d’une falaise face à la mer. Falaise qu’il a fallu descendre en « escalade » sur 10 mètres, avant de continuer le chemin dans la forêt tropicale sur 15 mn, pour enfin découvrir une cabane de pécheur au bord de l’océan, avec un feu de bois, des poissons ruisselants fraîchement harponnés, du riz, du bougna (igname cuit sous la cendre dans des feuilles de bananier pendant 2 heures). La surprise était de taille ! Il a fallu s’arracher de ce lieu magnifique, … et de la sieste, pour aller me chercher à l’aéroport de La Roche.La 3e semaine a été plus agréable encore.Mardi 15 août, nous étions à 6h sur les quais de Tadine pour récupérer Toffee et la voiture. La Bête, qui n’est décidément pas rancunière, a été très contente de nous voir, et de faire le marché voisin avec nous. Le Capitaine du « Havanah » (nom du bateau du fret maritime) a été très fier d’avoir transporté un si beau spécimen de l’espèce canine ! Le bardas déposé à la maison, nous nous sommes mis en quête d’une messe de 15 août. On nous a indiqué le chemin de la tribu de Rawa, pour une grande messe en pleine air. Avant cette messe, toutes les ouailles doivent aller prendre le café chez le petit chef. C’est ainsi que la messe a commencé avec 30 mn de « retard ». Ici, il n’y a pas de retard, car le temps n’existe pas. A la suite de la messe, nous nous apprêtions à partir lorsque le Petit Chef a couru après nous pour nous inviter à manger avec la tribu. En effet, chaque tribu catholique se choisit un saint patron, pour la fête duquel il accueille et nourri tous les membres des autres tribus qui assistent à la messe. Là encore, bougna, différents plats de cochon sauvage et de poulet et Roussette à la kanak (grillée entière, non vidée, avec ses ailes : là on n’avait pas assez faim…).Mercredi matin, P.J a repris le travail, mais juste le matin, en effet, le mercredi après-midi, c’est repos… Toute la petite famille est partie faire l’acquisition d’un Kayak de mer bradé par l’Adjudant-chef , chef de la tribu bleue de la Gendarmerie de Maré. Nous l’avons essayé l’après-midi même. J’étais réticente mais à tort, c’est maniable, léger, insubmersible. Nous avons pu à tour de rôle (l’autre faisant du baby et dog-sitting sur la plage), longer la côte en dentelle de pierre et les coraux magnifiques. Au final, P.J nous a pris sur le kayak moi et la petite pour aller voir le large, avant de décider de revenir hâtivement à cause des requins. Bien sûr, cette dernière phrase n’est pas vraie, elle a été soufflée par P.J qui souhaitait faire crier les Grand-mères ! J’ai vu mon premier tricot rayé (serpent de mer à anneaux bleu turquoise et noirs). P.J a vu des tortues et un requin à pointe noire d’1m20.Vendredi, nous nous sommes de nouveau immergés dans la population locale. P.J représentait le Collège au pot offert à 11h30 pour les 10 ans du Nengoné : le seul hôtel de l’île. Nous sommes arrivés comme des fleurs avec la Louloute sous le bras pour découvrir que c’était le grand événement économique et politique local… Nous sommes entrés le sourie aux lèvres avant de voir qu’il faisaient tous des tronches d’enterrement : tous les Grands chefs étaient là, et procédaient à ce qu’ils appellent « la Coutume » c’est à dire, l’échange solennel de paréos et autres symboles. Ensuite, ce petit monde s’est déridé en sirotant à la paille une coco décapitée devant des danses locales, coiffé d’un chapeau de soleil tressé avec des palmes de coco. Nous pensions en rester là, quand tout s’est poursuivi par de grands discours de chacun, puis un apéritif (où P.J a retrouvé son Adjudant-Chef en lui demandant s’il y avait des contrôles à la sortie de l’hôtel !), puis un immense repas où nous étions attablés à côté du Président de la Province des Iles Loyautés, et des grands Chefs. Le patron de l’hôtel a joué de l’accordéon et fait des tours de magie. Surréaliste. Aloha a dormi pendant toutes ces mondanités, faisant l’admiration de tous.On profite du week-end pour nous remettre de nos émotions et coucher toutes nos aventures sur papier avant d’aller au lit.

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